XXIV.

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***Ryan TCHICOT***



En voyant maman venir vers moi, je déverrouille les portières et redresse mon siège. Elle monte dans la voiture en se frottant les mains pour se réchauffer. J'avais oublié combien elle détestait l'hiver.



- Démarre, je veux rentrer.



Je mets le contact. Embrayage, première, clignotant, frein, et je sors de la place de parking. Je roule vingt mètres et maman se met à me raconter.



- Apparemment elle est dépressive depuis l'âge de seize ans. Elle était sous traitement mais elle l'a arrêté du jour au lendemain, elle a dit qu'elle se sentait mieux et n'avait plus besoin de tout ça. Personne ne le savait, aucun membre de sa famille. Juste un ex petit-ami.


- Elle va être internée ?


- On ne sait pas encore. Il faut qu'on détermine si elle représente un danger pour elle-même ou pour autrui.


- Tu l'as vue ? Comment tu l'as trouvée ?


- Elle était normale. Comme quoi ça ne se lit pas forcément sur le visage. Elle était calme, elle s'exprimait normalement. Elle a demandé après toi.


- Je veux bien aller la voir mais sa mère m'a agressé la dernière fois.


- Appelle-la alors.


- Oui.



Je poursuis ma route jusqu'à la maison l'esprit ailleurs.



- Je revois sans cesse cette image maman et elle me pèse.


- Alors imagine si elle y était restée. N'attends pas le pire pour comprendre et rectifier le tir. N'attends pas de te dire « si je savais ». C'est quoi ce plaisir à faire souffrir les gens ? Si tu veux juste t'amuser, écoute les filles d'aujourd'hui sont beaucoup plus ouvertes qu'à mon époque. Tu lui dis que c'est seulement pour jouer, si elle accepte tant mieux sinon tu passes. Mais quel est ce manque de respect d'aller te présenter devant sa famille alors que tu n'attends rien de cette relation ? C'est comme ça que je t'ai éduqué ? Tu n'as donc pas de limites, pas de respect pour les aînés ? Qu'est-ce qui ne va pas Ryan ?


- ...


- Estime-toi vraiment heureux qu'elle s'en soit sortie.



On ne peut pas toujours savoir qu'une personne est malade dans sa tête. J'avais une image arrêtée d'une personne dépressive. Pour moi ça se voyait forcément quand quelqu'un n'est pas bien. Mais après des heures à me documenter sur le net, à lire des témoignages des survivants ou de proches de personnes qui y sont passées, je réalise que non.



Shirley avait des problèmes d'insécurités, elle était jalouse, je sais que ça ne se passait pas bien avec sa famille, mais elle avait bien plus. Elle était chef d'entreprise à un si jeune âge, elle était propriétaire, elle venait de se réconcilier avec sa sœur. J'imagine combien elle a dû avoir mal pour en arriver à ce stade.



Depuis cette soirée je dors peu. Il m'arrive souvent de faire des cauchemars. A chaque fois que mon téléphone sonne, j'ai l'impression qu'on va m'annoncer qu'elle est décédée.



A la maison, maman va dans la cuisine et quelques minutes après elle vient m'appeler pour qu'on aille manger. Je ne réponds pas en espérant qu'elle me croit endormi et s'en aille. Mais c'est mal connaître OMANDA. Elle ouvre la porte de ma chambre et entre.



- Tu pleures ?



Je déteste ce genre de question. Si quelqu'un sanglote, a des larmes, c'est qu'il pleure non ? Je fais monter le drap sur la tête et lui tourne le dos. Elle vient s'assoir sur le lit et retire le drap.

MayiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant