XVII.

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***Shirley NKILI***

   Je rentre à la maison totalement épuisée par cette journée. Il est 19h et je cherche la force de monter sur le tapis de course et courir une demie heure. Nous qui grossissons rapidement n’avons guerre de choix. Petite frite et ton mollet a déjà pris trois centimètres, les joues sont sorties et le ventre pareil. Je lutte fort car quand je grossis je suis affreuse.

Après ma séance de sport je vais prendre une bonne douche puis je reviens me poser avec une salade devant un film. Ryan n’a toujours pas fait signe. Si j’appelle il va encore dire que je suis étouffante. Il est rentré depuis hier mais toujours aucune nouvelle.

A 21h je me mets au lit et me réveille le lendemain à 7h pour me préparer pour le boulot. Qu’est-ce que je fais dans la vie ? Je suis gérante d’un institut de beauté. Dermatologue à l’origine, j’ai ensuite fait une reconversion professionnelle. Pour cela j’ai suivi deux formations, une en naturopathie, et une autre en esthétique, cosmétique et parfumerie. Aujourd’hui j’ai ouvert mon institut de beauté et suis mon rêve même si mes parents ne le comprennent pas.

Donc j’ai trente-et-un ans et j’ai mon institut de beauté et ma propre marque de skin et hair Care. Pour le parfum, je me donne deux ans avant de me lancer. Je gagne plutôt bien ma vie. L’appartement dans lequel je vis est à moi. Mais côté vie sentimentale, je ne sais pas. Je tombe toujours sur des cas sociaux. Je suis arrivée en France à l’âge de onze ans, toute mon adolescence je n’ai connu que des blancs. Je n’avais que des amis et des petits amis blancs. Je ne faisais même pas exprès. J’ai eu ma première relation avec un noir à dix-neuf ans. Pour dire que peu importe l’origine, je n’ai connu que des connards. Moi Shirley je suis sortie six mois avec un indien croyant qu’il allait me montrer l’amour à la Bollywood. Tu parles ! Je ne sais pas ce qui ne va pas. Je suis allée à l’église, chez les liseuses de carte, chez les lanceuses de coris, chacun te raconte une histoire. Tu paies, tu suis les recommandations, mais rien ne change.

Ryan on se connait depuis sa première année dans le pays. Il habitait dans le même immeuble que ma copine et c’est d’ailleurs elle qui nous a présentés. Au début il me disait clairement qu’il n’était pas intéressé par les bomas (gabonais) de peur que ses histoires arrivent dans les oreilles de sa petite amie. Mais j’ai tellement forcé le destin qu’il a fini par céder. La relation n’était pas parfaite mais au moins il était honnête envers moi. La fidélité n’était pas sa première qualité mais que voulez-vous ? C’est un homme. Je savais qu’il allait à gauche à droite mais je fermais les yeux. La seule personne qui pouvait me faire peur c’était Mayite. Lorsque j’ai su qu’ils étaient séparés, là je me suis imposée. Mine de rien ça fait trois ans qu’on se voit, je veux savoir exactement où on va. Soit c’est moi, soit il se casse.

J’ouvre l’institut et laisse entrer les trois personnes avec qui je travaille. Chacun sait ce qu’il a à faire et chacun s’y met. J’allume l’ordinateur pour regarder les rendez-vous et aussi pour mettre de la musique. Une musique douce, reposante, et à volume bas.

A 9h le premier client arrive, ma première livraison aussi. C’est moi-même qui gère mes stocks, fais les inventaires. Toute la journée je travaille comme une folle. Je remonte dans ma voiture à 20h. J’ai envie de me prendre à manger au passage mais je fais très attention à ce qui entre dans mon ventre. Je me ferai une salade de tomates pour ce soir.

A la maison je range et nettoie en surface. Demain l’institut est fermé donc je pourrais faire le grand ménage. Ce soir c’est juste pas possible. Je m’offre un bon bain relaxant. Je crée même l’ambiance qui va avec. Juste quand je veux retirer mon peignoir pour entrer dans la baignoire, on sonne à ma porte. Je râle en allant ouvrir.

MayiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant