Le serpent des mers

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   Nous nous enfonçons plus profondément dans la brume noire, l'atmosphère devient lourde, la détermination se lit sur chaque visage. Tout le monde reste dans le silence, écoutant les bruits autour d'eux. Soudainement, un brouillard de couleur vert s'infiltre sous nos pieds. Je garde mon calme, toujours positionnée derrière la barre, mes lames dans mes mains. Mes cheveux volent au rythme du vent, nous sommes abrités ici. La brume verte semble vouloir quelque chose, elle bouge dans tous les sens, ne sachant pas où se diriger. Les marins commencent à parler seuls, enfin, à un fantôme de leur imagination. Le Mal est déjà là.

- Gardez le cap, concentrez-vous sur un point fixe. À la moindre faiblesse, le Mal vous tortura avec vos peurs les plus dévastatrices, indiqué-je d'une voix forte.

   Je vois certains hommes secoués la tête, ils semblent lutter contre un ennemi invisible. Notre plus grand ennemi c'est nous-même. Nous connaissons nos propres faiblesses et nos peurs les plus obscurs. Lutter contre son propre esprit est un exercice difficile, mais nous sommes tous là les uns avec les autres, nous vaincrons ce Mal qui terrifie mon royaume.

   Je ferme les yeux, respirant un grand coup. Il n'est pas question qu'on rentre dans ma tête. Je n'ai pas peur. Je n'ai pas peur.  Tout d'un coup, je sens une main se glisser dans la mienne, je lève mon regard et le pose sur Edmund. Celui-ci fixe un point invisible au bord du bateau, ses yeux menacent de sortir de leur orbite tant la peur le paralyse. Je me mets face à lui, ses iris sont maintenant fixées sur moi. Je lui prends le visage en coupe et lui caresse les joues avec mes pouces. Je lui souris tendrement.

- Je suis là, je ne laisserais personne t'attaquer d'accord ? Reviens avec moi, lui murmuré-je en collant mon front au sien.

   Il prend mes mains dans les siennes, les serrant fort contre son torse. Son corps tremble, des gouttes de sueur perlent sur son front.

- Allez-vous-en, vous êtes morte.

   Il a dit ces paroles si bas que je manque de ne pas les entendre. Edmund se tend, ses globules tournent dans leur orbite, sa peau est aussi pâle qu'une linge.

- Non ! hurle-t-il en me repoussant.

   Il se réveille enfin, écarquille les yeux et me prend dans ses bras avec délicatesse.

- Je suis désolé, je... débute-t-il avant que je ne le coupe.

- Je sais, je sais.

   J'ai rapidement deviné à qui il s'adressait : nulle d'autre que cette charmante Sorcière Blanche ! Elle ne vit plus parmi nous, mais elle vit dans son esprit et continue de le torturer. Lucy arrive rapidement à notre niveau, inquiète pour son frère. Il lui assure qu'il va mieux. Je veille tout de même sur les quatre zigotos. Lucy, Caspian, Edmund et même Eustache, je n'ai pas envie que l'un devienne complètement fou.

   Un cri déchire la brume, un homme tente de nous appeler, néanmoins, nous n'y voyons strictement rien. Je me penche au bord du bateau, cherchant des yeux la source de ce raffut. Les hurlements du pauvre homme deviennent des bouts de phrases au fur et à mesure de notre avancée. Il n'est pas loin.

- N'approchez pas ! N'approchez pas ! 

- Les seigneurs sont tous devenus tarés ?! Je n'aime pas les vieux chelous, dis-je en croisant les bras et faisant une moue peinée.

   Lucy étouffe un rire. Caspian se sent insulté.

- Ne me dit pas que les potes à ton père soient fréquentables. Dans la cours de récréation ça devait être super drôle.

La Fin des Contes (3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant