La Fin des Contes (3)

Le brouillard

    Nous parcourons les longs couloirs de cet immense manoir. Nous arrivons finalement dans une grande salle, j'observe la pièce d'un œil admiratif. Un espèce de voile bleu et violet vole au dessus de nos têtes, c'est de la magie. Des bibliothèques habillent les murs, de nombreux livres de sorcellerie y sont placés, je me demande ce que trafique ce magicien en ces lieux. Sa soudaine apparition me laisse perplexe. Est-ce Aslan qui nous l'envoie ? Mais pourquoi lui ? Est-il la clé de notre aventure ? Cela semble trop beau pour être vrai. Il détient des explications sur le mystérieux brouillard qui nous a terrifié sur l'île des marchands d'esclaves. Cette quête est dangereuse, plus nous avançons et plus je me heurte à des portes fermées à double tours. J'ai la sensation que c'est notre dernier voyage, cette ambiance morbide de m'aide pas à m'apaiser. Je vais étouffer.

- C'est magnifique, souffle soudainement Eustache.

    Le vieil homme a déroulé une longue carte magique, les différents paysages de Narnia volent au dessus de papier, cette carte est bien pratique. Je peux apercevoir les montagnes, les forêts et même les océans ! C'est époustouflant. Sur les bords, nos aventures sont retracées par magie. Oreius est dessiné, gambadant avec son épée fièrement tenue dans sa main. Je caresse du bout des doigts mon défunt ami, le revoir me transperce toujours autant le cœur, il s'est sacrifié pour Peter, son héroïsme est à jamais écrit dans l'Histoire de Narnia.

    Edmund glisse discrètement sa main dans la mienne, il la serre comme si sa vie en dépendait.

- Nous nous sommes battus ici, et nous avons échangé nos nombreuses pensées au bord de ce lac, dit-il en pointant du doigt ledit lac. J'aimerais parfois retourner à cette époque, me confie-t-il en chuchotant.

- Tout était plus simple.

    Il me lance un regard nostalgique.

- En oubliant ta mère. Comme belle-mère il y a mieux.

    Je plaque ma main libre sur ma bouche pour étouffer un rire. Je dois l'avouer qu'une mère qui essaye de vous tuer plusieurs fois c'est pas la meilleure chose.

- J'aurais aimé rencontrer tes parents. Peut-être un jour.

    Il me sourit.

- Ce serait un honneur pour moi, depuis le temps que j'attends que tu dises ça, souffle-t-il comme soulagé.

    Je ris à nouveau.

- Chut, nous gronde Lucy en nous fusillant du regard.

    Nous baissons la tête comme des enfants prient en flagrant délit. Le magicien profite du calme pour débuter son histoire :

- Voici l'origine de vos ennuis : l'Île Obscure. C'est là que se cache le mal.

    Avec un simple coup de main il fait apparaître l'Île Obscure. Un frisson me parcourt la colonne vertébrale. Une brume noire engloutit complètement l'île. Une lueur verte transperce les ténèbres. Elle me donne la chair de poule rien qu'à la regarder.

- Le mal peut prendre n'importe quelle forme et faire que vos rêves les plus noirs deviennent réalité, continue Coriakin en fixant longuement Edmund qui écarquille les yeux de peur. Il excelle à corrompre toute bonté et aspire à éteindre la lumière de ce monde.

    Personne n'ose respirer. Cette nouvelle nous laisse tous dans une détresse inquiétante. Tout ceci pour sept vieillards qui vont bientôt mourir. Tout ça me dépasse, un poids se dépose sur mon cœur, je n'arrive pas à respirer, l'angoisse me submerge petit à petit. Mes mains sont moites et ma tête tourne. Je ne veux pas aller sur cette île, je n'ai pas envie de combattre un énième démon. Mes yeux finissent par se poser sur la petite Gaëlle, cette petite a tenu à nous accompagner. Sa pauvre mère a disparu dans cette brume verte, son père a perdu sa femme. Leur courage me redonne la force de continuer. Ils sont tous les deux déterminés à sauver la femme la plus importante à leurs yeux. De nombreuses familles comptent sur nous pour faire revenir les disparus. Je ne dois pas les abandonner, je suis reine de ce pays et j'ai prêté serment de protéger ce peuple aux périls de ma vie.