Tempête sur Carbone-Les-Mines

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Assis à la table de la cuisine, entouré de livres et de parchemins, Harry Potter griffonnait d'une plume nerveuse. Severus déambulait dans la pièce, un livre de cours entre les mains. Il tentait d'expliquer au seul cornichon à qui il pouvait encore enseigner la théorie derrière une potion prévue au programme des ASPICs. Le jeune sorcier aux yeux verts prenait des notes, en laissant de temps en temps un soupir las franchir ses lèvres.

— Concentre-toi, Harry, s'énerva le Maître des Potions.

— Mééééé ! Ça me sert à quoi d'apprendre tout ça, puisque je ne peux pas faire la potion. On n'a pas le matériel !

Harry avait mis le doigt sur une blessure très douloureuse pour son potionniste au chômage. Depuis quinze jours, leur emploi du temps consistait à réviser les cours de l'année précédente et aussi à attaquer le programme des ASPICs et ceci dans toutes les matières. Pour la métamorphose, les sortilèges et la défense contre les forces du mal, tout se passait bien. Même les cours de soins aux créatures magiques étaient tolérables grâce à la très fournie bibliothèque du maître des lieux. Severus possédait tous les ouvrages écrits par Norbert Dragonneau ainsi que quelques-uns d'auteurs plus obscurs et anciens. Mais pour les potions, matière de prédilection du Serpentard, c'était une autre paire de manches. Pour la théorie, pas vraiment de souci, bien que ce soit un peu rédhibitoire pour le Gryffondor. Par contre, impossible par manque de matériel de mettre son nouveau savoir en application. Et ce fait rendait Severus particulièrement revêche et même agressif. Le sorcier ne pouvait plus du tout faire de potions et comme c'était la chose qui lui tenait le plus à cœur, son caractère s'en ressentait fortement. Et pour couronner le tout, aucun des deux hommes ne possédait plus une seule cigarette. Pour la détente, c'était limite...

Dobby, qui œuvrait discrètement dans la maison, avait bien remarqué ce fait et avait décidé de prendre le taureau par les cornes. Maître Rogue devenait sombre, triste, déprimé, encore plus qu'à son habitude. À Poudlard, le Directeur de Serpentard n'avait pas été connu pour son humeur joviale. Non, au contraire, tout le monde savait qu'il était solitaire et taciturne. Depuis peu, le fidèle petit Elfe avait remarqué que le niveau dans les bouteilles de Vieil Ogden diminuait beaucoup et qu'il devait en voler d'autres à Poudlard, bien plus souvent qu'il n'avait prévu de le faire au départ.

Ses maîtres étaient cafardeux et découragés. Même son Harry Potter, Monsieur, semblait moralement épuisé. Les deux hommes vivaient dans une maison délabrée, sans or, sans recevoir de visite autre que celle hebdomadaire de Dumbledore pour une tasse de thé et une petite discussion. Bien sûr, le vieux sorcier avait tenté de proposer à Severus de lui prêter chaudrons et ingrédients mais le fier serpent, vexé, avait refusé tout net, arguant qu'il refusait la charité. Se faire nourrir par Poudlard était déjà suffisamment humiliant pour lui, sans oublier la poudre de cheminette et l'abonnement au réseau payés par Albus. Severus avait l'impression d'être redevenu un ado misérable et ne supportait plus cette situation. Une fois ou deux, Harry et lui s'étaient disputés et il avait même osé dire à son jeune amant que tout était sa faute. Cette situation ne pouvait plus perdurer.

Et Dobby avait pris la décision d'agir. Après tout, il avait promis à Albus Dumbledore qu'il veillerait sur les deux sorciers exilés dans ce monde de perdition.

Ce soir-là, après que ses deux maîtres se soient couchés dans leur triste chambrette, Dobby popa dans le bureau de tabac du centre-ville de Carbone-Les-Mines. Aucune grille de fer moldue ne pouvait empêcher un Elfe-de-Maison d'aller et venir à sa guise. L'établissement était plongé dans la pénombre. Dobby qui ne connaissait pas la technologie moldue ne remarqua pas les diodes clignotantes rouges des caméras de surveillance dans le bureau de tabac de la place Reine Victoria, le seul de la ville. Méfiant, l'Elfe s'était quand même désillusionné afin de se promener tranquillement entre les rayons de paquets de cigarettes, de boites de cigares, les vitrines de briquets et les étagères de spiritueux moldus. Bien vite, il repéra les cigarettes qu'il avait vu ses maîtres fumer. Avec un large sourire plein de dents, Dobby conjura un panier et consciencieusement se mit à dévaster les rayons des paquets vert et argent d'Embassy Menthol et ceux rouge et or des Dunhill si précieuses au cœur de son Gryffondor favori. Même les paquets de cigarettes étaient aux couleurs de leurs maisons respectives ! Culotté, Dobby poussa même le vice jusqu'à vider un présentoir de briquets jetables. Il resta un instant à examiner à la lumière de la lune les bouteilles d'alcool moldu, mais jugea qu'un traditionnel Vieil Ogden était bien plus respectable pour des sorciers et s'abstint donc de se servir.

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