Chapitre 5

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Assis à côté de ses amis à attendre que la comtesse Dacourt ouvre enfin l'enveloppe qui contiendrait son épreuve, Mathieu se sentait impatient. L'excitation à la possibilité d'être enfin Apprenti était mêlée au désir de faire parler de lui par un coup d'éclat en obtenant une nouvelle branche dorée, afin de faire taire les langues encore trop nombreuses qui soupçonnaient qu'il ait bien été adopté.

Il n'avait toujours pas avoué la vérité à ses amis, et Mathieu se sentait mal de mentir à Pierre et Jurençon. Le premier, parce qu'il était son ami d'enfance, le plus proche de lui, avec qui il ne lui avait jamais rien caché d'autres que ses bêtises les plus légendaires. Le second, parce qu'il s'était rapproché de Jurençon au cours des derniers mois, fasciné par les capacités hors-normes de son camarade.

Il n'avait en revanche aucun remord à tenir Roméo dans le mensonge, supposant que celui-ci devait subir les pressions de M. Pompous pour savoir si cette affaire d'adoption était vraie ou pas. Lui dire la vérité, ce serait ensuite l'obliger à mentir à son père, ce dont le Solélin n'était pas encore capable.

La comtesse Dacourt ouvrit une nouvelle enveloppe rouge, annonçant que Jurençon et Lucille Bertier étaient ensemble pour l'épreuve de la nymphette des forêts, mais Mathieu ne se demanda même pas en quoi cela consistait. Il fronça en revanche les sourcils lorsque Roméo fut mis à l'épreuve avec Juliette d'Airain pour qu'ils trouvent un tableau en particulier dans toute l'Élite.

— Avec un peu de chance, on aura la même épreuve, lui souffla Pierre.

Son nom fut appelé peu après pour qu'il soit assigné à l'épreuve de la capture d'un louveteau. L'adolescent blond grimaça et Mathieu songea que son ami allait renforcer sa maîtrise du durcissement de sa luide, pour éviter des morsures et des griffures mortelles.

Enfin, son tour arriva, et pendant une fraction de seconde, le regard de la comtesse Dacourt quitta les mots qu'elle lisait pour se poser directement sur Mathieu.

— Mathieu Hidalf, votre épreuve sera celle de la potion de lune. Vous aurez un mois pour réunir les différents ingrédients qui la composent.

Le garçon haussa un sourcil devant l'aspect minable de cette épreuve. Même celle de sa petite sœur promettait quelque chose de plus intéressant. Et lui, à part un nom faussement mystique, il allait devoir simplement acheter des plantes auprès d'un herboriste.

À croire que l'Élite était au bord de la faillite pour produire des potions de soin aux frais des élèves !

Il quitta la Tour des Épreuves d'un pas rageur quelques minutes plus tard, voulant boucler sa mission au plus vite. Son trajet à la tour du docteur Soupont fut rapide, mais l'homme ne l'accueillit pas aussi rapidement que ce que Mathieu l'aurait voulu. À la place, il le fit s'asseoir à une chaise de son bureau, le faisant patienter plusieurs minutes alors qu'il cherchait quelque chose parmi ses ouvrages de médecine. Il en déposa finalement un devant le garçon, qui toisa l'objet comme si celui-ci venait de l'insulter.

— Donnez-moi la liste des ingrédients, au lieu de vouloir me faire apprendre l'entièreté de vos ouvrages de botanique, ordonna Mathieu.

— Monsieur Hidalf, il y a un glossaire dans ce livre, souligna le docteur Soupont. La seule raison pour laquelle je ne vous ai pas déjà jeté hors de ce bureau, c'est parce que je sais que vous allez avoir beaucoup de questions... L'épreuve de la potion de lune n'est pas une petite mission où vous pouvez ramasser la première plante venue et la faire infuser.

D'abord méfiant, Mathieu fut furieux alors qu'il lisait la méthode pour préparer la potion de son épreuve.

— Un lys, ça, ce sera facile à trouver, mais une aile de nymphette ? Un bout de branche de l'Arbre doré ? Je ne mettrai jamais la main dessus, se désola Mathieu en s'affaissant sur son siège.

Par les liens du parcheminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant