20 : Piège grossier

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Depuis quelques temps, Roméo semblait plus... bizarre. Mathieu n'aurait pas eu d'autres mots pour décrire son ami. Un peu plus tactile, plus souriant à son égard, avec une attitude qui oscillait parfois entre celle de Juliette d'Or ou celle de la petite Juliette qu'elles avaient envers leur frère adoptif.

Par habitude, Mathieu le mit simplement sur le compte du caractère particulier de Roméo, qui pouvait aussi bien être un fanfaron qu'un imbécile joyeux, tout en restant son ami.

Il n'y pensa pas bien longtemps, profitant surtout avec lui de ces vacances improvisées avec Jurençon et Pierre, au chalet où le demi-Hélios avait vécu pendant des années. Le lieu était très confortable, malgré l'étroitesse de l'habitation en comparaison à l'Élite ou au manoir Hidalf, mais Mathieu s'y sentit parfaitement bien. L'occasion de dormir sur le sol ensemble, comme il l'avait tant de fois fait avec ses sœurs et Pierre chez lui était agréable, et lui fit oublier quelques temps ses craintes.

Du moins, jusqu'à ce qu'il reçoive un jour une lettre sans nom, lui affirmant connaître la clé de sa lignée. Mathieu resta figé quelques instants devant le peu de mots écrits sur le parchemin, qu'il fit mine de déchirer l'air de rien avant de la ranger dans sa luide. Il se doutait déjà que Jurençon avait remarqué la supercherie, mais son ami n'en parla pas.

La lettre spécifiait de rencontrer son interlocuteur d'ici une semaine, ce qui l'obligerait à sortir de l'Élite en pleine nuit alors même qu'il aurait une épreuve dont il devrait s'occuper, mais son désir d'en savoir plus sur sa famille biologique primait sur sa prudence. Il envisagea tout de même un plan, tout en continuant de profiter de ses vacances avec ses amis.

Et après trois jours, il eut enfin la confirmation à une question dont il voulait une réponse depuis longtemps.

– Lucile et moi allons nous fiancer, avoua Jurençon en souriant.

Le reste du petit groupe le dévisagea avec stupeur comme si le demi-Hélios venait de leur annoncer qu'il allait refaire ses dents cassées pour en posséder de nouvelles, clignotantes. 

– C'est trop fort ! Moi qui croyais que le roi avait appris de son erreur en tentant de me marier à Marie-Marie, et c'est toi qui en pâtit ! Mais ne t'en fais pas, à cause de mon propre non-mariage, je connais toutes les lois sur les mariages d'enfants et je peux te guider sur comment...

– Mathieu, je sais que le mariage d'enfants est normalement interdit, coupa Jurençon. Ce sont juste des fiançailles.

Pierre sembla un peu moins étonné par la déclaration de l'autre adolescent alors que Roméo et Mathieu s'échangeaient des regards tels qu'il était évident que les deux garçons supposaient que leur camarade avait perdu l'esprit.

– Il n'a quand même pas le droit de te forcer, répliqua le génie de la bêtise.

– Il ne me force pas, nous l'avons décidé, Lucile et moi. J'ai envoyé des lettres à sa famille pour leur évoquer le sujet, et j'ai pu les rencontrer, avant que tu improvises des vacances chez moi.

Loin de calmer la méfiance des deux plus jeunes Apprentis, Jurençon se retrouva obligé d'étoffer un peu plus ses explications, leur rappelant que sa relation amoureuse avec Lucile datait déjà d'un an (même si Roméo et Mathieu avaient été relativement inattentifs à l'époque), qu'il s'agissait là uniquement de fiançailles qui pouvaient être annulés d'un simple mot, et qu'ils ne comptaient pas se marier avant d'être adultes de toute façon.

– Si ce sont les nobles qui te forcent la main pour que tu restes sur le trône et ne devienne pas Élitien, on peut t'aider, tu sais, fit remarquer Roméo. Mon père n'est pas subtil, mais si je mens en lui disant qu'il peut y trouver un intérêt, il se débrouillera pour que le reste de la noblesse te fiche la paix.

Par les liens du parcheminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant