23 : Garder son sang-froid

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Malgré toute sa volonté, Louis ne pouvait s'empêcher d'être inquiet. Il était resté loin de l'Élite pendant plusieurs mois, avant de la réintégrer en tant que Cœur noir, mais ses seules missions avaient été de surveiller les élèves au sein de l'école. Il n'avait plus participé à la moindre mission, et n'avait certainement pas imaginé qu'il en aurait une aussi grave comme premier retour à son devoir.

Devoir gérer un enlèvement n'avait jamais été un type de mission qu'il affectionnait, ni ne réussissait bien. C'était plutôt quelque chose qu'il laissait à Julius ou Jean.

Mais la situation était beaucoup plus grave que des enlèvements classiques de nobles, puisque la victime n'était autre que Mathieu Hidalf, l'adolescent le plus célèbre du royaume. Louis lui devait sa liberté, sans lui il serait mort dans le labyrinthe des Bannis après y avoir erré pendant des jours.

C'était également le même gamin qui avait causé bien des cheveux blancs à la direction de l'école, et qui avait presque entraîné la fermeture de celle-ci à cause de son sommeil de neuf mois. La presse était déjà informée de l'enlèvement du garçon, et les nobles s'empressaient de réclamer des comptes à l'école de l'Élite, la supposant responsable. Il était peu probable que la noblesse atteigne une virulence semblable à celle du douzième anniversaire de Mathieu Hidalf, le jour où l'école avait presque été fermée.

En revanche, si quoi que ce soit se déroulait mal, tout retomberait sur l'Élite. Il n'y aurait aucune chance que l'école s'en relève. S'ils échouaient à récupérer Mathieu vivant et en bonne santé, on les accuserait d'être de toute façon des incapables, qui coûtaient trop cher au royaume pour en valoir la peine.

Il n'avait pas le droit d'échouer. Et pourtant, la situation le dépassait davantage que du temps où les Estaffes attaquaient l'école, alors qu'il était capitaine. Peut-être que c'était la conviction de sa force et de son arbre doré qui l'avaient empêché de prendre totalement la mesure des dangers qu'il avait affronté.

À présent, il n'avait qu'une luide noire, une épée et ses mots pour mener ce combat.

– Tu es inquiet, déclara Robin en faisant tourner la tête de Louis dans sa direction. N'essaye pas de le nier, ça nous saute au nez, tellement c'est évident, même un aveugle s'en rendrait compte.

– La situation est grave, ce n'est pas juste une mission où l'on escorte le roi jusqu'au royaume voisin.

– Tu l'as quand même escorté jusqu'à la maison de la grand-mère édentée, en prenant le risque de vous faire tomber dans un sommeil éternel tous les deux. Tu as vu pire.

Un sourire nerveux étira les lèvres de Louis alors qu'il se rappelait de cette affaire. Mathieu Hidalf était alors endormi depuis moins d'un jour, et lui s'était précipité chez la sorcière avec qui le garçon avait passé un accord afin de la convaincre de le réveiller. Un plan qui avait échoué et qui aurait pu tourner bien plus tragiquement, si lui ou le roi s'était retrouvé frappé du sortilège de sommeil.

– Je ne comprends toujours pas comment vous avez pu avoir confiance en ce plan stupide et me laisser partir.

– On ne l'a pas fait.

Le Cœur noir troqua son léger sourire contre un air confus, qui fit ricaner son ami. Robin étant le colosse qu'il était, avait ses épaules qui tremblaient comme s'il se retenait de lui dire une blague hilarante.

– Certes, vous ne m'avez pas fait confiance, mais vous m'avez laissé faire...

– Non, justement. En fait nous étions venu, avec Julius et quelques Cœurs noirs, au cas où la situation tourne mal. On se doutait que si vous tombiez d'un coup, ce serait de sommeil et que le plus simple pour vous réveiller aurait été de vous déplacer de l'endroit où vous étiez. Nous avions prévu des cordes et des grappins, nous les aurions lancé sur vous pour vous tirer de ce mauvais pas.

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