11 : Tensions entre amis

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Mathieu se serait imaginé que sa première mission hors de l'Élite serait amusante, surtout lorsque ses deux amis les plus intelligents se trouvaient avec lui.

À la place, il avait l'impression que tous les éléments se liguaient contre eux pour rendre leur mission impossible. Depuis qu'ils avaient quitté l'Élite, le temps s'était couvert, et dès qu'ils étaient sortis d'un bassin d'eau au plus proche possible de la Vallée des Iors, une trombe d'eau leur était tombée dessus. Le petit groupe s'était réfugié sous le feuillage épais d'un sapin pour passer la nuit, en attendant qu'il fasse meilleur temps.

En vérité, Jurençon aurait pu les laisser derrière et aller donner la lettre confiée par Armance Dacourt aux premiers Cœurs noirs que le demi-Hélios aurait pu croiser. Mais il avait préféré rester avec eux, par solidarité face au mauvais temps. Pierre était officiellement celui qui dirigeait leur petit groupe, mais Mathieu le sentait hésitant sur la marche à suivre. Ils devaient parcourir encore vingt-cinq lieues pour atteindre la Vallée des Iors, et sans doute encore quelques lieues de plus pour trouver un membre de l'Élite dans cette zone.

Les directives n'étaient pas urgentes, mais plus ils passaient du temps loin de l'école et sans personne de plus compétent, plus les trois Apprentis risquaient d'avoir des ennuis.

Pour le moment, Mathieu montait la garde avec Jurençon. Son ami était éveillé presque à toute heure pour les épauler dans leurs heures de garde, et permettre aux deux humains de récupérer un peu de leur sommeil confus.

Blotties sous une branche creuse, Ophélie papotait joyeusement avec Viviane qui ne lui répondait pas plus qu'en hochant la tête de temps à autre. La nymphette sans ailes semblait réagir un peu plus à son entourage, et Mathieu espérait sincèrement que d'ici peu, elle pourrait être officiellement sa nymphette personnelle, et l'aider à jouer les espionnes.

— Il faudra qu'on se déplace demain, même s'il continue à pleuvoir, indiqua Pierre. Il faudra être prudent, mais on prendra les routes les plus utilisées possibles. Et puis, on finira bien par être à cours de provisions si on reste ici sans chasser.

— Au moins on ne risque pas de manquer d'eau avec cette pluie, murmure Mathieu pour lui-même.

Il dormit mal, mais il ne se plaignit pas en voyant que le temps s'était calmé. Le ciel restait gris, mais la pluie ne tombait plus, permettant à Mathieu et Pierre de voir un peu plus loin qu'à cinq mètres devant eux.

Leur mission put reprendre son cours, et même si les chemins boueux et glissants à cause des dernières pluies étaient parfois ardus à emprunter, Jurençon veillait à les rattraper en cas de chute. Ce qui était parfaitement ironique, au vu du nombre de fois où c'était eux qui l'avaient rattrapé dans les escaliers de l'Élite. Ophélie chantonnait parfois des mélodies sur l'épaule de Pierre et Mathieu tenta de faire la conversation avec Viviane.

— Je me demandais, est-ce que les Estaffes se disputaient des fois ? Je veux dire, moi si j'avais eu cinq frères, j'aurai voulu qu'on m'obéisse.

— William ne voulait pas se faire obéir, murmura la fée sans ailes.

— Ah... et est-ce que les épreuves étaient difficiles ?

Pierre lui dit signe de se taire et de monter rapidement dans un arbre. Quelques instants plus tard, un groupe de sangliers passèrent en dessous de leurs pieds, si rapides et déterminés qu'ils auraient pu être écrasés sous leurs sabots s'ils étaient restés au sol.

— Il faut croire que grimper aux arbres est une bonne manière de ne pas mourir, grommela Mathieu. On l'avait fait pour la Foudre aussi, lorsqu'elle nous avait envoyée vers une meute de loups...

Par les liens du parcheminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant