10 : Petites avancées

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Au bout de quelques semaines, Jurençon finit par revenir avec ses amis, pour dormir dans la bibliothèque. La présence de Viviane ne repoussait plus le demi-Hélios, puisque la nymphette était restée parfaitement apathique pendant tout ce temps. Mathieu avait tenté de la faire réagir en lui donnant des vignettes représentant les Estaffes, sans autre succès que de voir la petite fée toucher les visages peints sans dire un mot. Pierre s'était acclimaté lui aussi, bien plus tôt, probablement à cause de l'impulsion d'Ophélie qui voyait dans l'ancienne nymphette d'un Estaffes, une charmante camarade à soutenir.

Si Viviane n'avait pas manifesté l'envie de voler, Mathieu aurait bien aimé qu'il puisse à son tour avoir des ailes. Il venait de finir sa première mission en tant qu'Apprenti, et pestait en silence en tenant dans ses mains une des trois buses de la comtesse Dacourt, qu'il avait dû chasser.

Après que Juliette d'Airain ait réussi à faire entrer les filles dans l'école de l'Élite, les trois oiseaux agressifs n'avaient plus eu la moindre utilité. La direction avait tenté de les dresser de nouveau pour pourchasser pendant quelques temps toute personne qui porterait son capuchon à la période où le traître sévissait encore. Mais après la défaite des Estaffes dans le labyrinthe des Bannis, les buses avaient été relâchées dans la forêt des Élitiens, estimant qu'elles ne pouvaient plus être utiles à l'école.

— Franchement, je ne vois pas pourquoi la comtesse aurait besoin de ces piafs à nouveau, pestait Roméo à côté de lui. 

— Ouvre la cage ! pressa Mathieu en tenant le volatile dans ces mains alors que celui-ci essayait de lui donner des coups de bec. Je suis d'accord, c'était inutile, mais au moins on a réussi notre épreuve.

Malgré les apparences, l'adolescent n'était pas mécontent de se voir à nouveau obligé de travailler et s'entraîner. Lorsque l'ennui le gagnait, il se retrouvait souvent seul face à ses pensées.

Et à sa peur absurde de se rappeler qu'il n'était pas du même sang que ses sœurs et ses parents.

Lorsqu'il regardait Juliette d'Airain, il voyait dans ses yeux noirs qu'elle le regardait comme son frère, et pas comme un inconnu. Leur rivalité pour être le meilleur dans l'Élite était suffisant pour que Mathieu ne pense pas trop à sa culpabilité au cours de la journée.

La nuit en revanche, il s'était mis à faire des recherches de son côté.

Le besoin de savoir pourquoi ses parents biologiques l'avaient abandonné était oppressant. Il profitait du sommeil de ses camarades pour s'éclipser hors de son lit et se rendre aux archives de l'Élite, sortant des journaux vieux de quinze à douze ans, en lisant chaque article comme s'il allait miraculeusement en sortir la vérité qu'il cherchait.

Il avait retrouvé très facilement l'exemplaire de l'Astre du jour titrant sur la naissance de Mathieu Hidalf, le jour du cinquantième anniversaire du roi. Tout l'intitulé couvre les deux premières pages du journal, et est suivi par un discours impressionnant donné par Louis Serra après la naissance du bébé. Sans surprise, ce discours ne parle absolument pas de Mathieu, mais de l'Élite.

L'adolescent garde cet exemplaire sous son oreiller pour le lire de temps en temps. Il songe que dans cette grande salle, un bébé était né, et qu'il avait été remplacé par un autre peu de temps après. Peut-être que sa mère de sang s'était trouvée dans la pièce au même moment, à regarder une autre qu'elle accoucher à son tour d'un bébé qui ne serait pas gardé.

Les deux jeunes Apprentis marchent jusqu'au bureau de la comtesse Dacourt, bien décidés à montrer qu'ils avaient leur place dans cette école

La directrice de l'Élite donne un sourire courtois à Roméo et tendu à Mathieu. L'adolescent sait qu'elle désapprouve encore la manière dont il avait accompli son épreuve de la potion de lune, mais objectivement, il ne pouvait pas deviner que le but était de ne pas l'accomplir, si personne ne le lui disait !

Par les liens du parcheminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant