14. Gains et ragots

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PDV Nélya

Au réveil, mon crâne lourd m'oblige à traîner cette carcasse qui me sert de corps. Soudain, mes pieds glissent sur le sol brûlant et je me retrouve par terre.

- Belvir de soirée, marmonné-je encore dans les vapes.

Mes paupières lourdes, je tâte la zone autour de moi. Où suis-je ? Ma chambre n'a pas de rideau coloré comme celui-là.

Sitôt les événements de la veille remonte à ma surface et je me mets à souffler. J'évacue toutes les rafales de problèmes en m'asseyant sur le sol poussiéreux. Devant moi, Yaldoh dort dans une position complexe, au-dessus de lui, le hamac ronfle. Sehva se tourne dans son sommeil et arrête ce vacarme nasale.

Une odeur de transpiration et d'alcool planent. J'ouvre les rideaux pour changer l'air.

Je me redresse, j'ai l'impression que le monde bouge comme sur un navire. Je fouille les placards de mes amis, je cherche de quoi me mettre sous la dent. Au fond d'un panier, un morceau de pain trop sec attend son heure.

D'un air dubitatif, je le regarde sur tous les côtés et finis par le mettre dans de l'eau pour le ramollir et le manger.

Un bâillement coupe le calme matinal.

- Êhol, dit Yaldoh d'une voix rauque.

Je lui tends mon pain qui refuse avec une grimace.

- Je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Je vais faire un tour en ville, ce matin.

- Fais comme chez toi, ma belle.

Yaldoh frotte sa tignasse hirsute et s'étire grossièrement. Pendant ce temps, je rassemble mes affaires. J'ai une vie à sauver aujourd'hui.

- Merci pour hier, lui lancé-je.

Il râle et gesticule la main.

- C'rien, articule-t-il en baillant. Freus s'inquiète pour toi. Ta fugue ne le laisse pas de marbre.

- On se voit plus tard, me précipité-je.

Je n'ai pas envie de parler de lui.

Il hoche la tête et je claque des doigts. Les rues d'Antyk en sommeil, cette matinée respire la sérénité. Ma téléportation m'a emmené du côté Est de la ville où les libertins et autres gens voulant fuir la routine, aiment se rejoindre. Ici, les bâtiments sont construits en toile et objets de seconde main, cela montrent la légèreté de l'esprit de ceux qui s'y aventurent. Toutefois, nous savons tous que leur esprit embrumé n'est pas si léger, mais plutôt vide de sens et de morale.

J'apprécie venir à cette heure-ci, aucune trace des soldats, ni de ma famille. Ici, il y a seulement quelques survivants de la nuit. Ils déambulent tel que des somnambules. Des ragots en tout genre circulent dans cette zone de la ville, et c'est parfait pour découvrir des informations sur le clan. Secret soit-il. Certains peuvent leur échapper.

Au loin, protégés par un toit frêle de tissu beige, des hommes rient autour d'une roche. Mes pieds s'enfoncent dans le sable.

Curieusement, ils sont éveillés.

Un joueur mécontent se dresse sur ses pieds tandis que les autres essaient de le calmer. Il y a une histoire de pari dans l'air.

Un vieux, un jeune et un quarantenaire, quelle drôle d'équipe !

- Je veux une revanche ! s'époumone le perdant.

- Tu rigoles, tu n'as plus rien à vendre, plus un sou ni une graine, s'amuse un garçon.

- Je pose sur la table mes vêtements, je rentrerai nu comme un ver si je perds. Je le jure sur Sule'Jur ! insiste-t-il sous le regard antipathique des deux autres.

Sanvisage ~ Le PourfendeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant