44. Un, deux, trois !

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Pdv Korzan

Des éclats de flammes.

Le cri de ma mère, brisé par le feu et le sang.

Je reprend conscience.

— Ça fait deux jours qu'il dort.

— Je sais, Yaldoh.

— Il récupère toutes les heures de sommeil perdu ? Ça fait des semaines qu'il fait des nuits courtes, murmure-t-il, un voile d'inquiétude dans la voix.

— Il fait pas mal de cauchemars, répond Freus. Nous en faisons tous avec les temps qui courent.

J'ai envi de rester ici, dans ce lit au matelas humide et à l'odeur d'algues.
Si j'ouvre les yeux, le calvaire recommencera. Même dans mes rêves, il est là, toujours là, prêt à m'engloutir.

Je finis par céder. Mes paupières se lèvent et je vois mes amis, debout dans le coin de la cabine, calés contre les parois pour ne pas être emportés par les mouvements de la mer. Ils sont figés, l'air soucieux.

— Korzan, s'écrie Freus, en se penchant rapidement vers moi.

Je m'assoie, le souffle court. Ce nom, Korzan … il me tourne l'estomac.

— As nous a expliqué ce qu'il t'es arrivé, commence-t-il en analysant ma réaction. Tu vas bien ?

Cette question transperce mon calme apparent et brise quelque chose en moi, une mince carapace que j'avais construite pour contenir le chaos.  Ma gorge se serre. Tout à coup, mes mains tremblent, mes jambes aussi, comme si mon corps répondait à la violence des vagues qui secouent le navire. Les planches contre lesquelles je suis adossé vibrent sous cette agitation, mais c'est en moi que la vraie tempête fait rage.

Là, je sens des gouttes coulés le long de mes joues. Ce n'est pas de la sueur mais belle et bien des larmes. Je n'ose pas les regarder.

Je sens leur mal-être. Freus et Yaldoh. Leurs regards fuyants, les mouvements hésitants. Ils ne savent pas quoi dire, quoi faire. Ils ne comprennent pas.

— Sortez, murmuré-je en essuyant d'un geste brusque les larmes qui dévalent mes joues. Sortez, crié-je, plus fort cette fois, alors qu'ils restent paralysés à la vue de ma faiblesse.

Mes émotions en vrac, j'ai l'impression de suffoquer. J'ai vécu une bonne partie de ma vie tel qu'un robot. Depuis que le clan m'a libéré, j'essaie d'agir comme un être normal mais tout était surjoué. Je ne savais pas comment exprimer mes sentiments, mes pensées. J'apprenais à agir ainsi en observant les autres.

Devon avait bloqué cette part humaine au fin fond de mon esprit et tous ce temps je la voyais par-dessus un voile épais.

Je n'ai jamais eu de repaire et là, avec une mémoire revenue c'est encore pire. Je n'avais pas de but hormis vaincre Evanekel. À présent, mes objectifs s'agrandissent : je tuerais Devon et son père. Pour mes parents que j'ai honteusement oublié.

Mon passé reste encore flou, j'arrive à me remémorer le principal mais, il y a encore trop de point que j'ai du mal à comprendre – quel est le lien entre mon père et les Spectrum ? Pourquoi nous ont-ils attaqué ? Ils m'ont retenu tous ce temps pour mes pouvoirs... Est-ce que mon père était comme moi ? Il avait la même magie et il avait réussi à s'enfuir de leur emprise avant d'être retrouvé ?

Où est-ce que je vivais ? C'était une ville plutôt peuplée, à l'apparence ouvrière... Le nom m'échappe. Pourtant, je sens que je me souviens. Cependant, il reste coincé entre les pages de mes souvenirs.

— Embroisie, m'éclaire une voix au-dessus de ma tête.

Des yeux bleus me fixent depuis l'encadrement de la porte.

Sanvisage ~ Le PourfendeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant