Sanvisage ~ Le Pourfendeur

35. Aşay

pdv Nélya

Depuis quelques jours, les nobles arrivent à Antyk. Ils logent dans le palais mais, leurs déplacements sont contrôlés et je ne les croise pas. Demain soir, il y aura le banquet. La reine annoncera sa succession et le royaume entier connaîtra mon nom. Je devrais faire bonne impression pour obtenir leur allégeance. Cette idée me donne le vertige, chaque respiration semble plus difficile que la précédente.

Mes pensées s'éparpillent, tentant de prédire ce qui m'attend demain. Je ne crains pas de faire face aux nobles, cependant je déteste l'idée de devoir jouer le jeu des apparences. La sincérité est ce qui me définit, et je n'ai aucune intention de m'adapter à leurs attentes. Je crois que je n'ai plus le choix.

Prym marche avec distance. Elle me laisse respirer, un luxe que je savoure en ce moment de calme avant la tempête. Je suis encore étonnée par son geste et son dévouement, même si elle m'a clairement avoué qu'elle le faisait pour son frère

- Tu comptes te promener dans le palais toute la journée ? lance-t-elle finalement, d'un ton qui trahit son impatience.

Je m'arrête, me tournant légèrement vers elle avec un sourire sarcastique.

- Est-ce qu'il y a autre chose à faire ici, à part sourire et me préparer à convaincre une bande de vautours que je suis leur meilleure chance de survie ? Peut-être pourrais-je aussi m'entraîner à feindre l'enthousiasme ? Bref. Je me promène et quand j'aurai fait le tour du palais, je retournerai sur mes pas comme si j'étais un poisson rouge enfermé dans un bocal.

Je l'entends soupirer, une réaction qui semble souligner l'absurdité de notre situation.

Je reprends ma marche, mes pensées tourbillonnant autour des défis à venir. Chaque mot, chaque geste devra être calculé, et pourtant, je refuse de m'enfermer dans un rôle. Je sais que tout se jouera sur ma capacité à improviser, à jouer avec les attentes des autres sans me laisser prendre au piège.
Je connais le poids qui m'attend, et je sais que demain, tout reposera sur ma capacité à manipuler la situation en ma faveur. Je dois obtenir leur allégeance, pas pour la couronne, mais pour ce que je pourrais accomplir avec.

Nous quittons le porche pour le jardin central. Le parfum entêtant des jasmins et des roses ne parvient pas à apaiser mon angoisse.

Au détour d'un carré d'arbres exotiques, je vois un homme qui ne devrait pas être ici. Il est accrouprie près de fleurs. Il caresse leurs pétales, chatouillées, elles rient. Mon attention se perd un instant sur l'anneau qu'il porte comme si elle exerçait une étrange attraction. Nichée au centre de cette couronne de griffes argentées, la pierre est d'une noirceur insondable, semblant absorber la lumière autour d'elle. Les griffes métalliques, acérées et cruellement belles, enserrent la pierre avec une force presque palpable, comme pour la garder sous leur joug.

Il joue avec les fleurs qui semblent lui répondre. Ses cheveux châtains sont tirés en arrière, révélant un visage aux traits marqués et un regard profond.
Les fleurs, en réponse à notre présence, chuchotent doucement, comme si elles le prévenaient de notre arrivée. Je reste en retrait, intriguée par la scène qui se déroule devant moi. Il se redresse.
Son allure est à la fois étrange et magnétique, un mélange déconcertant d'insouciance et de maîtrise.
Il se balance légèrement sur ses pieds, et un léger éclat de maquillage sur ses joues capte la lumière du soleil, ajoutant une touche inattendue à son apparence.

Nos regards se croisent, et une chaleur étrange me traverse.

Prym, fidèle à elle-même, avance pour l'interpeller explosive.

- Que faites-vous ici ? demande-t-elle, prête à trancher l'intrus s'il le faut.