Sanvisage ~ Le Pourfendeur

40. Des rumeurs inquiétantes

Bonjour, je tiens à vous dire merci d'avoir lu jusqu'ici ! Et, je profites de ce début de chapitre pour vous poser quelques questions...

~ Pour commencer, est-ce que vous trouvez que le lore est bien travaillé ? Est-ce que les informations sont glissées clairement ? Est-ce que c'est trop brusque ? Est-ce qu'il y en a trop peu ?

~ Ensuite, j'aimerai savoir qui est votre personnage préféré ? Et pourquoi ?

~ Et pour finir, est-ce que vous trouvez que l'histoire personnelle des personnages secondaires est assez construite ? Est-ce que leur caractère est bien décrit ? Ou vous avez du mal à vous rappeler qui est qui ?

Merci pour vos réponses !

Bonne lecture !

☆☆☆

Elle marche sur les cendres des huttes. La fumée noire de l'incendie semble la suivre à chacun de ses pas. Autour, des ombres malveillantes brisent ce qui a pu miraculeusement tenir. Evanekel s'accroupit et hume l'air d'un geste apaisée. Ses ongles gris griffent la terre piétinée par ses créatures. L'extrémité de ces doigts tattent la poussière de ses victimes.

Un rugissement retentit et des bruits monstrueux s'évaporent dans l'atmosphère.

Un Belvir s'approche d'Evanekel, ses huit pattes grêles s'enfoncent dans les cendres, faisant crisser le sol sous leur poids. Sa peau, luisante comme celle d'un reptile, semble tissée de cicatrices anciennes,  néanmoins elle est dure comme des écailles. La créature affiche un grand sourire démesuré, révélé par une rangée infinie de dents fines et acérées, semblables à celles d'un prédateur marin.

Son visage est si pâle qu'on distingue ses veines noirâtres pulser sous la surface. Il s'arrête devant elle, tremblant comme un enfant fautif, mais aucun regard humain ne réside dans ses orbites, seulement la faim et la servitude.

Evanekel tend la main, avec une douceur presque maternelle, et effleure le crâne du Belvir. La créature grogne un son rauque qui se mue en un miaulement pathétique sous sa caresse. Ici, au milieu des ruines et de la mort, la scène est à la fois étrange et profondément dérangeante

— L'Enfant ne t'a pas fait trop de mal, s'inquiète la déesse.

Le Belvir répond alors avec un cri suraigu.

— Tu as apporté ce que nous sommes venu chercher ?

L'abdomen se met à vibrer, émettant un son humide et répugnant. Un bras distordu émerge lentement de la chaise blanchâtre, tenant un sac en cuir. Evanekel saisit le sac, un sourire satisfait aux lèvres, tandis que le Belvir laisse échapper un rot, comme soulagé d'avoir accompli sa mission.
La reliure craque sous ses doigts comme si elle reconnaissait sa maîtresse. Elle parcourt la couverture poussiéreuse du bout des doigts.

— Ces humains, toujours aussi faible, chuchote-t-elle en retirant le grimoire du sac.

**

Le conseil s'est réuni à l'aube, dans une salle baignée de lumière dorée, filtrée par des moucharabiehs ouvragés.  Une chaleur étouffante pèse sur l'assemblée, malgré les drapés de soie suspendus pour tenter de faire circuler l'air. Des serviteurs, portent des éventails de plumes, tentent en vain d'apaiser l'atmosphère étouffante qui régne à l'intérieur.

La table de pierre, massive et gravée de runes, accueille non pas un roi, mais plusieurs. Des rivaux réunis, comme si l'air brûlant du désert a réussi à fondre, l'espace d'un instant, leurs querelles. Pourtant, malgré les rumeurs inquiétantes qui traversent les royaumes et les eaux pour atteindre Antyk, aucun d'eux ne semble vraiment inquiet. Les histoires de créatures monstrueuses paraissent ridicules, dignes des récits qu'on conte aux enfants pour les faire frissonner avant le coucher.

— Vous croyez vraiment que Dellether s'est fait attaquer par des Belvirs ? siffle un homme chauve, ses rides creusant son visage en une grimace d'incrédulité.

À ses côtés, ses deux fils restent de marbre. L'ainé, Devon, affiche un sourire en coin, comme si toute cette scène l'amuse, tandis que le cadet, encore moins sérieux, s'amuse à gribouiller sur un document administratif perdu sur la table.

En réalité, il analyse chaque détail.

— Roi Spectrum, une ville entière a été décimée, sans compter les dizaines de villages réduits en cendres, répond un autre noble, visiblement agacé.

Le silence retombe un lourd moment. Seuls les craquements des chaises troublent l'atmosphère, jusqu'à ce que quelqu'un prenne de nouveau la parole.

— Et la Banque des Savoirs ? exige une voix, froide et méthodique, depuis l'autre bout de la salle.

— Grâce aux Jurs, elle a été protégée, mais… les trois temples ont péri sous un incendie obscur, répond le messager d'une voix cassée

Il se tient debout, la posture affaissée, visiblement épuisée. Il a fait la route depuis Dellether sans perdre de temps pour annoncer le retour de la déesse. Ce soldat, un Aljur de renom, avait quitté son poste pour rapporter la nouvelle, abandonnant derrière lui ses camarades, et peut-être même sa famille, sous la main d'Evanekel.

Le Roi Spectrum le regarde avec un mépris non dissimulé. Sa voix, lorsqu'il s'adresse à lui, est tranchante comme un rasoir.

— Un Aljur de votre renommée… quittant un champ de bataille ? Laissez-moi douter de votre message.

Le silence s'étire à nouveau, presque insoutenable.

— Filipus, intervient alors l'empereur Lodrum, sa voix grave et posée. Si cet Aljur dit vrai… alors ce chaos doit forcément être lié à notre « Toutou ».

Les deux hommes échangent un regard significateur.
L'allusion est claire. Cela fait des mois que leur prisonnier s'est évadé. Ils savent que ses traces mènent quelque part, cependant jusqu'ici, il leur échappait.

— Mes seigneurs, intervint l'Aljur, la voix étranglée de fatigue et de peine, l'homme que vous cherchez… ne correspond pas à la description. Celui que j'ai vu avait des cheveux bruns, pas blancs.

L'aîné des Spectrum, Devon, esquisse un sourire carnassier.

— Il aurait très bien pu se teindre les cheveux. Peu importe. Que ce soit lui ou non, fouillons les eaux de Laynaley, ordonne-t-il, l'enthousiasme sadique brillant dans ses yeux. Nous finirons bien par lui mettre la main dessus... Je vais envoyer mes hommes.

— Bien. Si c'est votre chien qui a causé tant de problèmes, attrapez-le. Cette réunion est terminée, annonce la reine Arum en frappant une structure pyramidale contre la table.