38. Barty, avril 1828

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Au bout d'une demi-heure à peine, on toque à la porte.

— Mister Barthélemy ?

— Entre, Crime, soupire Barty.

Le vieil esclave pénètre dans la pièce comme s'il souhaitait s'y camoufler.

— Nous n'avons presque plus de savon... les prix ont flambé. Il est de plus en plus difficile de s'en procurer...

— En effet, la taxe sur le savon n'a fait qu'augmenter... puise dans nos économies.

— Eh bien...

Barty soupire devant l'air gêné de Crime. Le pauvre homme se tord les mains : il n'ose probablement pas avouer que les finances du ménage sont à sec. Au point de ne pas pouvoir se payer de savon.

— Ne te soucie pas du paiement, Crime, fait une reconnaissance de dette au vendeur. Je me débrouillerais.

Crime lui jette un regard dubitatif. Je me débrouillerais, se convainc Barty, sinon le nom de Thimonnier apparaîtra comme bankrupt dans la gazette et nous perdrions tous notre statut de manufacturiers.

— Nos revenus ? interroge-t-il, comme pour chasser ses angoisses.

Crime sourit en sortant un carnet de sa poche. Il avait dû se douter que Barty s'attellerait à la paperasse et était venu l'assister, comme à son habitude. Ou plutôt le surveiller : Barty avait consacré la dernière demi-heure à l'étude des plans de sa machine... toute intention d'analyser les finances de la demeure oubliée.

Crime lui résume quelques chiffres, quelques délais. Il déniche même une créance ou deux que Barty peut aller réclamer à ses divers sous-traitants ouvriers.

— Bien évidemment, quelques recommandations de réparations ne feront pas tourner la boutique, grimace Barty, il faudrait que Fournier ou un autre client richissime me rappelle... jamais je n'ai tant regretté ces après-midis passées à réparer l'organette de son salon !

Barty chausse son monocle : Crime vient de lui donner une tout autre idée.

— Ce sera tout, Crime, merci !

À peine le vieil homme a-t-il refermé la porte du bureau derrière lui, Barty sort fébrilement plume, encre et papier de son tiroir. Fournier, Fournier... Four comme un four, cuire... cuire le pain. Boulanger. Cathy. Catherine Boulanger, ça fera le lien avec son nom de famille... Nier comme négation, menteurs et gens faux... Four. Nier. Fournier. Dans sa précipitation, Barty troue le papier de l'embout métallique de sa plume. Dépité, il sort une nouvelle feuille et la pose à côté du cadavre de la première. Il prend une grande inspiration. Se recule jusqu'à plaquer son dos dans celui de sa chaise. Réfléchis, Barty, réfléchis.

Crime vient de lui rappeler l'existence du plus riche et puissant de ses clients. Riche et puissant... grâce à son travail à l'Inquisition Laurasienne. De son côté, Augustine vient de lui rappeler – ou plutôt, ne cesse de lui rappeler – la disparition de Cathy. Liée, il vient de l'apprendre, à l'Inquisition et ses sombres enquêtes. Je ne peux évidemment pas demander à Fournier des nouvelles de la Miss Catherine Boulanger : si elle a été arrêtée pour hérésie, c'en est fini de ma propre situation.

Pourtant, Barty est persuadé que Fournier est impliqué dans le cas Cathy : la jeune fille avait toujours milité contre le Protestantisme total de l'empire, entraînant parfois même Augustine avec elle. L'Inquisition a forcément un dossier sur elle... et toutes ces dernières fois, à réparer son organette, Fournier n'a cessé de me parler de ces dossiers de dissidents dont il est, paraît-il, personnellement responsable... Les idées un peu plus claires, Barty reprend son ouvre et rédige :

L'Aimant - Laurasia IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant