Chapitre 7 - Fiançailles forçées

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Londres, 15 octobre 1888 - 23 ans plus tard...


Elsie

- Mademoiselle ? Votre mère vous attend.

Je gémis dans mon oreiller, tandis que ma servante ouvre les épais rideaux dissimulant les rayons du soleil. Je suis officiellement réveillée, et je ne suis pas vraiment de bonne humeur.

- Qu'est-ce qu'elle veut ? demandé-je en m'étirant.

- Eh bien... Je crois qu'elle veut vous parler de vos fiançailles...

Et c'est reparti... Je lui ai pourtant déjà dit que je n'étais point intéressée par d'éventuelles fiançailles pour le moment ! Je dois affronter ma mère aujourd'hui encore. Ça ne m'enchante pas, surtout dès le matin ! Je quitte le lit, enfile mon corset que Louise, ma servante, serre le plus possible.

- Est-ce nécessaire ? demandé-je, le souffle coupé.

- Je le crains, mademoiselle, s'excuse ma servante, sincèrement désolée.

Je pousse un soupir, montrant mon mécontentement. Ce n'est pas de la faute de Louise, bien sûr. J'en ai juste assez que ma mère me présente un prétendant chaque matin, ou presque ! Me voyant préoccupée, mon amie pose une main sur mon épaule nue et m'adresse un léger sourire.

- Ne vous inquiétez pas, tout se passera bien.

Je me contente de hocher la tête en ravalant mes larmes. Elle a beau me dire cela, je ne suis pas convaincue. Je me tourne vers mon amie, en lui demandant quelle robe je devrais porter aujourd'hui. Louise me sourit à nouveau avant de disparaître un instant dans la pièce voisine. Elle revient quelques secondes plus tard avec une robe bleu roi, composée des dentelles. C'est un style que j'aime beaucoup, et je dois dire qu'elle est vraiment magnifique. Louise m'aide à l'enfiler puis je descends au salon, là où ma mère m'attend. Je constate qu'elle n'est, bien entendu étant donné le contexte, pas seule. Ses traits tirés lui donnent un air sévère, malgré le fait qu'elle soit encore dans la fleur de l'âge. Personnellement, je lui prodiguerai dix ans de plus. L'inconnu porte un regard sur moi quelques secondes. Mal à l'aise, je fais une brève révérence tandis que ma mère ordonne sèchement à ma servante de disposer. Je regarde Louise s'éloigner, puis m'avance dans le petit salon. Je ne m'y suis jamais vraiment sentie à mon aise avec tous ces portraits de famille qui semblent m'observer. Ma mère a aussi pour fâcheuse habitude d'y entreposer les innombrables cadeaux envoyés par mes prétendants, peut-être pour me rappeler mon erreur d'avoir refusé leur demande. Pourtant, je peux l'admettre, cela ne m'atteint absolument pas.

Je place nerveusement une mèche rebelle échappée de mon chignon derrière mon oreille et relève le menton.

- Vous m'avez demandé, mère ? questionné-je alors.

- Tu en as mis du temps pour te réveiller, se contente de me répondre celle-ci.

Puis elle se tourne vers notre invité, et me présente.

- Comte Byers, voici Elsie, ma fille. Visiblement, la politesse est absente de ses qualités.

Je lève les yeux au ciel, ravalant un léger rire. Ma mère et moi, nous n'avons jamais vraiment eu une relation « normale ». Pour elle, c'est de ma faute si mon père, violeur et menteur, et décédé des suites d'une maladie vénérienne. Elle ne s'est juste pas posé la question du pourquoi moi, je n'ai rien eu. En réalité, après avoir bu quelques verres au Pub, mon père allait voir des prostituées, et personne à part moi ne fut au courant à ce moment-là. Lorsqu'il était soûl, je subissais des attouchements sexuels de sa part, et je ne l'ai avoué à ma mère que des années plus tard. Aujourd'hui, on ne se parle que pour délibérer de choses essentielles.

Rosa Atque Immortalis (AUTOEDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant