Chapitre 15 - Le non-mort amoureux

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Édimbourg, 18 octobre 1888

Aonghas

Qu'est-ce qui m'a pris... Qu'est-ce qui m'a pris de la laisser partir ? Je l'ai observée jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans le tunnel menant à la surface. Elle ne s'est même pas retournée... Non ! je ne peux pas la laisser filer ! Depuis ma mort, je n'ai jamais vu de femme aussi jolie, et avec un tel parfum. Une rose est venue à moi, et je ne suis pas près de l'oublier.

Parcourant les souterrains comme le ferait un nuisible, je rejoins le premier niveau et m'avance vers la sortie des caves. Je ne me souvenais pas que le chemin était aussi long et éprouvant...

J'aperçois une lumière très légère au bout du sentier, et me rends compte que celle-ci provient de la lune, qui illumine toute la ville par sa simple présence. Je jette un regard autour de moi : les rues sont désertes. C'est la première fois, depuis ma mort, que je reviens à la surface. Je hume l'air, à la recherche du parfum de rose et de miel. Les mains enfouies dans les poches de mon manteau, je me dirige vers une sombre ruelle, Congress avenue. La jeune fille est passée par là. Je m'arrête en face du Lunar Blue Raven Hotel et aperçois une lumière à travers la fenêtre d'une des chambres. Je lève le regard, lorsqu'une ombre passe devant la vitre. Grimpant les murs de la maison voisine de l'hôtel, je m'installe sur le toit. Je me pose, les pieds dans le vide, en voyant Elsie enfiler sa chemise de nuit. Ses cheveux châtains descendent en cascade dans son dos, tandis qu'elle ajuste les manches de sa tenue.

Elle s'approche du miroir, et passe délicatement ses paumes sur les joues. Je suis certain qu'elle se demande qui je suis... Enfin, quelle sorte de monstre je suis ! Elle se tourne vers moi, mais son regard ne traverse pas la fenêtre, se contentant de fixer la bougie. Sa chemise de nuit épouse parfaitement la forme de ses seins rebondis. Je ne peux écarter l'idée d'y promener mes mains, pâles pareilles à la mort et glaciales comme l'hiver. Ai-je seulement le droit de penser à ce genre de choses ?

La belle inconnue se rapproche de la fenêtre, et souffle sur la flamme, plongeant sa chambre dans l'obscurité. Je me redresse et pousse un léger soupir. Tiendra-t-elle sa promesse ? Je l'espère pour elle, car, désormais, je sais où elle séjourne.

Rosa Atque Immortalis (AUTOEDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant