Édimbourg, 9 septembre 1865
- Il ne devait pas y avoir trois corps ?! se fâche le Dr Roberson, sermonnant les deux voleurs.
- Si, si nous vous l'assurons ! répond le premier en passant les mains dans ses cheveux bruns. On ne comprend pas...
- Eh bien soit vous vous fichez de moi, soit il a été volé !
Le regard du Dr Roberson passe des deux compères aux dépouilles encore posées sur l'étagère. Bien, il devrait faire avec ! Il enfile ses gants en cuir noir et ordonne aux deux hommes de mettre les corps dans la charrette.
- Et dépêchez-vous, le soleil se lève, je n'ai pas envie qu'on me voie ici !
Les voleurs s'empressent de finir leur tâche, tandis que le médecin retourne à la surface après avoir remis son couvre-chef sur ses cheveux grisonnants.
- Il est quand même gonflé... c'est lui qui est arrivé en retard ! soupire le premier profanateur.
- La ferme, et dépêche-toi ! gronde le second.
- N'empêche, je me demande où est passé le troisième corps.
Il n'était pas rare que des cadavres disparaissent, mais ce n'était pas ça qui les inquiétait, non. C'était de voir des traces de chaussures qui ne leur appartenaient pas, près des « étagères ». Peut-être un voleur de corps, mais ils n'y croyaient pas vraiment.
- Et si c'était un non-mort ? interroge le second profanateur en tirant les jambes du cadavre.
- Un non-mort ? Tu as été au Pub trop tôt, toi, se moque son collègue en croisant ses gros bras sur son torse.
- Je ne plaisante pas ! Et arrête de te foutre de moi ! Viens m'aider, plutôt.
Au moment où ils placent le corps dans la charrette, un bruit sourd se fait entendre à l'entrée de la cave où les deux hommes se situent. Ils se redressent en même temps, terrifié et interloqués, puis se mettent à trembler comme jamais. Ils ne s'attendaient pas à ce que quelqu'un trouve leur lieu de rencontre, servant à charger et décharger des corps.
- C'était quoi, ça ?!
- Je n'en sais rien... on aurait dit que quelqu'un était tombé... répond son collègue, en jetant un regard derrière lui. Je vais voir.
Ce dernier s'isole, aspiré par les ténèbres tandis que le second profanateur reste un moment seul. Il attend, attend encore, mais son collègue ne revient pas.
- Oh ! hurle celui-ci. Tu es encore là ?
Aucune réponse. Était-il en train de lui jouer un sale tour ? Il ne l'espère pas ! Ces caves sont un vrai labyrinthe ! L'homme quitte son poste à son tour et s'éloigne. Heureusement, ils avaient apporté une deuxième lampe à pétrole, il peut alors affronter l'obscurité des souterrains. Il longe un long couloir, puis regarde en l'air avant de trébucher sur quelque chose de rigide.
- Mais qu'est-ce que...
Son collègue gise sur le sol, vidé de son sang. Son visage affiche une grimace horrifique, qu'il ne pourrait jamais oublier.
- Oh non, merde ! s'exclame le voleur en se relevant avec difficulté.
Il se met ensuite à courir à en perdre haleine, jusqu'à trouver une sortie. Mais rien n'y fait. L'homme tourne en rond, et cela le rend complètement fou. Alors qu'il s'arrête, et se penche en avant, essoufflé, une forme sombre se matérialise devant lui. Des yeux rouges, semblables à des braises, le fixent, tandis que ses ongles raclent la boue nauséabonde. Lorsque l'homme relève le visage, et qu'il se rend compte qu'une créature l'observe, il fait un bond en arrière, rampant jusqu'au mur se trouvant derrière lui. La chose ne cesse de s'avancer vers le profanateur, et, au moment où ce dernier n'a plus aucune échappatoire, celle-ci s'arrête à son niveau, toujours le regard fixé sur sa proie.
- Alors comme ça, on vole des corps ? demande la créature de sa voix rauque.
- Il... il faut bien vivre, Milord... bégaye le profanateur.
- Milord... soupira le monstre. Cela fait longtemps qu'on ne m'a pas appelé ainsi...
L'homme glisse ses prunelles jusqu'au visage de l'inconnu. Il le reconnut aussitôt ! C'était lui ! Le troisième cadavre disparu ! Ses lèvres se mettent à trembler, tout comme le reste de son corps. Le profanateur s'emploie à prier intérieurement, en fermant les yeux. Il pensait que la créature allait le prendre en pitié. Loin de là ! Ce n'est que quelques jours plus tard qu'on retrouve, à cause des inondations qui avaient remonté les deux corps à la surface, les deux hommes, vidés de leur sang.
Commence alors la légende du non-mort, vivant dans les caves de South Bridge.
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Rosa Atque Immortalis (AUTOEDITION)
RomansaRoyaume-Uni, 1888 "On n'associe pas un ange et un démon". Tels sont les mots d'Aonghas Méinn. Vampire vivant dans les caves sous la ville d'Edimbourg, sa rencontre avec Elsie Case, jeune londonienne rebelle, va changer son quotidien. Ayant quittée L...