Édimbourg, 17 octobre 1888
Elsie
Je me réveille en sursaut, avec l'impression d'être couverte d'immondices. Ces hommes m'ont touchée, avec leurs sales manières... Et puis... Un inconnu est sorti de l'ombre, avant que je ne perde connaissance. Je suis complètement perdue et tétanisée par la tournure des événements... Je pensais pouvoir rentrer sereinement et me voilà dans ces caves... Qui était cet inconnu ? Mon cœur est encore en train de tambouriner dans ma poitrine. Une vague d'angoisse me submerge et mes larmes refont surface. Tant bien que mal, j'essaie de recouvrer mes esprits.
Je me redresse, haletante. Une lampe à pétrole illumine la pièce. Je dois désormais trouver la sortie... Je ne sais pas quelle heure il est, mais je dois me dépêcher de rentrer à l'hôtel. Une longue journée m'attend demain à l'atelier ! J'essuie mes mains couvertes de boue sur ma robe tout en poussant un juron. Je me maudis d'avoir emporté si peu de vêtements avec moi. Il doit me rester que deux robes dans ma valise ! Je longe un interminable tunnel pendant un moment, jusqu'à ce que je me rende compte qu'il mène à un cul-de-sac. Eh merde !
- Vous ne pourrez pas sortir seule d'ici.
Une voix chaude, presque rassurante si je me trouvais dans une autre situation, vient de résonner dans le souterrain. Je fais volte-face et aperçois une silhouette, à quelques mètres devant moi. Mon cœur s'emballe, et un cri reste coincé dans ma gorge. La peur me fige, littéralement. Je lâche la lampe, qui se brise sur le sol. L'obscurité envahit alors le tunnel. Je tremble, et je sens l'étrange présence se rapprocher de moi. Des doigts glacés se referment sur ma main, tandis que la voix, qui m'est toujours inconnue, s'élève de nouveau.
- N'ayez pas peur.
- Il est facile pour vous de dire cela ! On voit que vous n'êtes pas à ma place ! hurlé-je.
Sa paume se pose sur mes lèvres, m'intimant le silence.
- Chuuut. Certaines personnes dorment dans ces tunnels.
J'écarquille les yeux. Puis, je me souviens qu'il s'agit d'une zone, où la plupart des gens pauvres ont élu domicile.
- Venez, m'ordonne la voix, en me saisissant le poignet.
- Où m'emmenez-vous ?!
La voix reste silencieuse et cela m'inquiète. J'espère ne pas être tombée sur un violeur... Quoiqu'il aurait déjà abusé de moi. De plus, il ne me parlerait peut-être pas de cette façon. Je ne peux m'empêcher de trembler de tout mon être. Qu'est-ce qui m'a pris de venir ici, seule ?
Je ne sais pas où nous allons, car il fait toujours sombre. Enfin, après un moment à avoir parcouru les tunnels, nous arrivons dans ce qui semble être une cave. Une bougie est posée sur une caisse en bois, dans un coin. La silhouette me tourne le dos, et j'ai comme l'impression qu'elle n'ose pas me regarder. L'inconnu est vêtu d'un long manteau noir qui descend jusqu'au niveau de ses mollets. Son col est remonté, dissimulant les côtés de son visage. Son pantalon est de la même couleur que ses bottines, montées jusqu'à ses genoux. Il sort des gants opaques de sa poche, avant de les enfiler.
- Quel jour sommes-nous ?
J'écarquille les yeux. N'a-t-il donc aucune notion du temps ? C'est avec une voix fébrile que je lui réponds :
- Le dix-sept octobre, mille-huit-cent-quatre-vingt-huit.
- Un peu plus de vingt ans... Et pourtant, on dirait que cela fait une éternité que je suis ici !
Je l'entends soupirer. Mais que veut-il dire par là ?
- Qui êtes-vous ? demandé-je, en flanchant un brin.
Enfin, la silhouette se tourne vers moi. Un jeune homme, mesurant plus d'un mètre quatre-vingt-dix, me fait désormais face. À peine plus âgé que moi. Ses cheveux sont courts, légèrement roux. Son regard clair semble me transpercer. Et, chose étrange, un bandage dissimule ses lèvres et son nez. Le jeune homme se rapproche lentement alors que je recule jusqu'au mur. Me voilà coincée. Il pose ses mains de part et d'autre de mon visage, pendant que ses prunelles se perdent dans les miennes. J'ai l'impression d'être mise à nu et je sens mes joues s'empourprer. Instinctivement, je baisse le regard, mais son index me relève le menton.
- Ne jamais baisser les yeux devant moi, dit-il de sa voix grave et profonde, légèrement étouffée par le bandage couvrant sa mâchoire.
- On ne se connaît pas, il me semble, réponds-je d'un air effrayé. Faites-moi sortir d'ici.
Il se redresse, puis s'éloigne, les mains dans les poches de son manteau.
- Pourquoi ? interroge-t-il sans se retourner.
- Eh bien, parce que j'ai peur, que je ne vous connais pas, et que je n'ai pas choisi d'être ici, dis-je, en croisant les bras sur ma poitrine. Je dois aller travailler demain.
Il me jette un regard par-dessus son épaule avant de passer la main dans ses cheveux.
- Alors, promettez-moi une chose.
Je hausse les sourcils, surprise par sa requête. Promettre une chose à un inconnu n'est pas dans mes habitudes, mais soit. Si ça peut lui faire plaisir... Je dois prendre connaissance de ce qu'il a à me proposer, même si, je dois l'avouer, ça m'inquiète tout de même.
- Bien. Je vous écoute.
- Revenez me voir demain, à la sortie de votre travail.
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Rosa Atque Immortalis (AUTOEDITION)
RomanceRoyaume-Uni, 1888 "On n'associe pas un ange et un démon". Tels sont les mots d'Aonghas Méinn. Vampire vivant dans les caves sous la ville d'Edimbourg, sa rencontre avec Elsie Case, jeune londonienne rebelle, va changer son quotidien. Ayant quittée L...