Chapitre 10 - Ashton

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Le cul posé sur un des bancs qui longent l'allée de ce qui reste du vieux parc, j'écoute vaguement Keyden me raconter sa soirée

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Le cul posé sur un des bancs qui longent l'allée de ce qui reste du vieux parc, j'écoute vaguement Keyden me raconter sa soirée. J'ai beau me forcer à ne pas me plonger dans mes souvenirs, je crois bien que quoi que je fasse, la nostalgie me rattrape. Parfois par des gestes que j'exécute, parfois par une musique qui surgit sans prévenir et me ramène à un moment précis. Aujourd'hui, c'est cet endroit. Ce square, qui, quand j'étais gosse, était un peu plus sympa que ce qu'il est devenu. Moins marqué par le chaos qui rythme ce ghetto.

C'est ici, planqué dans un coin que j'ai vu Key' pour la première fois. Il était gamin comme moi à la différence qu'il tremblait de froid et crevait de faim. J'ai appris plus tard que sa mère était morte d'une overdose une semaine plus tôt. En plein mois de novembre, il était roulé en boule sous le petit pont à quelques mètres de là où on se trouve afin de se protéger un minimum de la pluie.

Cette après-midi-là, lorsque je me suis approché de lui, il a pris peur et c'est réfugier contre le mur avec un couteau qu'il serrait dans son poing comme si sa vie en dépendait. J'ai tout de suite capté qu'il avait vécu un sale truc. Sans chercher à comprendre, je me suis assis en face de lui, puis j'ai sorti de ma poche quelques bonbons que j'avais tirés chez l'épicier quelques rues plus loin. Ses yeux se sont mis à briller, puis quand je les lui ai tendus, il m'a présenté sa paume. Un sourire en coin, parce que j'étais fier d'avoir réussi à le faire réagir autrement qu'en lui foutant la trouille, je l'ai observé les engloutir un à un.

Le lendemain, je me suis pointé avec une tranche de jambon dans un morceau de pain et une petite bouteille d'eau. J'avais piqué ça dans le frigo. Mon frangin m'avait coursé en me voyant m'échapper avec ce qui devait être son repas, mais je détalais plus vite que lui. Il s'était pris une branlée la veille et son état me donnait l'avantage. Là aussi, Keyden avait avalé ce que je lui avais ramené en moins de deux.

Il a fallu que je vienne comme ça plusieurs jours afin de gagner sa confiance. Après quelques casses dalles, une couverture chaude et deux trois histoires de ma vie dans la rue, il s'est décidé un soir à me suivre. À ce moment, je n'avais aucune idée d'où le conduire. Il était hors de question de le ramener chez moi. Joey aurait fait de lui ce qu'il tentait de faire de moi. Un petit toutou obéissant.

J'ai fini par toquer à la porte de l'oncle de Pixy. Ce mec était déjà venu en aide à plusieurs gosses et je me suis dit qu'il était le mieux placé pour le sortir de la rue. Sans poser de question, il l'a accueilli et en échange Key' passait le balai dans son salon de tatouage. C'était mieux que ce que lui aurait proposé mon frangin.

Keyden est resté silencieux pendant près de deux semaines après ça, mais je passais le voir tous les jours. Puis, un matin, alors qu'on observait l'oncle de Pixy réaliser une pièce sur la cuisse d'un gars, il m'a lâché son blase. Sans même que je lui demande.

Ensuite, entre nous, ça a été à la vie, à la mort. On est devenus inséparables. Deux gosses du ghetto qui, ensembles, se lançaient des défis et étaient débordés par leur connerie. Ça nous a valu pas mal d'emmerdes, mais jamais on ne s'est lâché. Si je me faisais prendre, il faisait diversion et me sortait de la situation dans laquelle je m'étais fourré. À l'inverse, je me jetais tête la première dans le tas et cognais pour qu'il puisse se tirer. Avec le temps, il s'est endurci et est devenu aussi barge que moi. Peut-être même pire.

Rᴜʟᴇ Nᴜᴍʙᴇʀ Fɪᴠᴇ [Tᴏᴍᴇ 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant