24. Balance ascendant balance

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Le type ne tenait pas en place. Sautillait sur sa chaise, se tordait les mains, était secoué, de temps en temps, d'un petit rire nerveux, sorte de rictus sonore, et réclamait une cigarette toutes les trente secondes. On l'avait laissé mariner une bonne heure avant de l'attaquer, assis sur une chaise scellée au sol, un bras tendu en arrière attaché par des menottes au tuyau du chauffage. Il faisait à peine quinze degrés dans la cellule. Murs gris, lumière blanche, pas le moindre objet. Un vrai rêve de garde à vue. Ses yeux fuyaient les regards sans parvenir à se poser sur un point précis. Son long nez, et le tic nerveux qui agitait la paupière inférieure de son œil gauche lui donnait une vague ressemblance avec Scratt.

Des yeux de fou, pensait Samir El Yaagoubi. Un toxico, pensait le commissaire Marcelin.

― Tu auras ta clope quand tu auras parlé, lança le jeune inspecteur.

― Ah ah, ils veulent que je parle. Vous me prenez pour un con. Filez-moi une clope. Et un avocat. J'ai droit aux deux.

Le petit jeu pouvait durer des heures, mais le commissaire avait appris la patience. Il jeta un coup d'œil à sa montre pour constater que le petit jeu en question durait déjà depuis une bonne demi-heure. Il avait vu pire. Le commissaire le sentait, le type allait parler, sûr et certain, il attendait simplement de pouvoir le faire sans passer pour un minable. Le commissaire essaya de saisir son regard.

Bon, normalement je devrais tenir une petite heure sans replonger, alors écoute bien, Folco. Un, tu n'auras pas de clope tout de suite. Deux, l'avocat est en route. Trois, si tu parles pas, tu vas prendre vingt-cinq ans.

― Et si je parle ?

― Vingt-cinq ans aussi. Pas la peine de te raconter des histoires. Un type comme toi ne doit pas s'attendre à soulever la pitié dans le cœur des jurés. Mais vingt-cinq ans sans vengeance, si tu vois ce que je veux dire. Vingt cinq ans avec toi en taule et les autres dehors, à se foutre de toi. Essaye donc un peu de penser à ça et oublie les lois du milieu.

― Je n'ai rien à dire.

― Arrête de déconner.

― Elle me trompait.

― Arrête de déconner, je te dis.

Un silence s'installa. Le regard de Folco papillonnait toujours autour de la pièce. Il fut secoué d'un nouveau petit rire.

― Je veux pas être interrogé par un Arabe, c'est dégradant pour moi.

La gifle fut si puissante que le son demeura en suspension dans l'air quelques secondes. Le corps tout entier de Folco pivota sur lui-même, retenu dans sa chute par les menottes. Pour son âge, le commissaire avait encore de beaux restes.

― Tu n'es pas dans une position qui te permette d'exiger quoi que ce soit, reprit ce dernier, mais si tu en rajoutes, on en rajoutera aussi. Tu as été serré sur un flagrant délit, n'oublie pas, le flingue encore fumant. Alors arrête d'essayer de gagner du temps et de nous faire perdre le notre, Samir a le petit malade, il voudrait rentrer chez lui.

― Je... si vous me donnez une clope maintenant, je...

― T'inquiète pas on a tout notre temps, je disais ça pour plaisanter. Hein, Samir qu'on a tout notre temps ?

― Bien sûr, répondit l'inspecteur, le petit ne risque rien, il a sa mère avec lui. Arabe, d'accord, mais sa mère, quand même.

― Tu vois, Folco, qu'est-ce que je disais. Même les Arabes ont une mère. Et puis on sait déjà tout du monsieur, hein Samir, alors il peut parler quand il veut, on a juste besoin de l'entendre de sa bouche, ça fera plus propre dans le dossier du juge. Dis-lui, Samir, ça le mettra en bouche.

Des mecs qui assurentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant