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Une semaine avait passé depuis la visite plus que surprise de Silène Alexander. Elle s'était tant amourachée de Jaïa lorsqu'elle l'avait rencontrée que, même quand elle contactait Kai en ses temps libres, elle ne cessait de demander de ses nouvelles.
Jaïa prit place dans l'enceinte de la grande pièce qui servait de salle de classe pour son premier cours de la journée. Elle avait à peine dormi la veille. Ses yeux bouffis de fatigue étaient accentués de petites cernes un peu mal prononcées. Elle se demandait intimement comment son corps réussissait à supporter tout ces encombrements qui alourdissaient son bien-être. Elle s'était sentie remplie de chagrin et avait pleuré la majeure partie de la nuit.
Le professeur Harley, qu'elle connaissait le nom par son horaire qui lui avait été envoyé par courriel, rentra tout en saluant aimablement ses étudiants. Elle avait cru qu'elle serait intimidée par toutes ces personnes inconnues qui l'entouraient et qui pour la plupart, se connaissaient déjà mais, la surprise fut grande : elle était restée sereine et avait même parlé à voix haute pour se présenter, étant une étudiante de transfert.
La journée n'avait pas fait pas lourds. Dévalant les escaliers pour arriver sur le rez de chaussé de la faculté de gestion où elle sortait, elle fut stoppée par une étudiante qui dégringolait elle aussi les marches derrière elle.
Toute souriante elle se présenta à Jaïa et l'avait félicitée pour son courage :Jaïa ayant parlé à la classe sans trembler de la voix.
-Je voulais juste te demander quelque chose. Yamela  dit, -elle disait s'appeler Yamela- pour combler le silence tant elles se dirigeaient hors du bâtiment.
-Bien sûr, c'est quoi?
-Je suis la capitaine de l'équipe de volley-ball de l'université et, vu que dans l'Oregon ils ont une équipe, que l'on a jamais affrontée tant elle se faisait éliminer aux premiers rounds. Elle débala avec un ton hautain. Je voulais te demander si tu n'aurais pas envie de nous rejoindre. On manque d'effectif. Elle finit par confesser, laissant entendre la vraie raison pour laquelle elle l'avait appelée.
-Comment sais-tu que je joue au volley-ball? Demanda Jaïa en arquant un sourcil.
Yamela dirigea son regard vers le sac de Jaïa où tapissait un emblème d'un ballon, ce qui l'avait trahi.
-Ah! C'est un cadeau. Je n'aurais jamais acheté ça. Jaïa dit en roulant des yeux. Et comment cela se fait-il que vous manquiez d'effectifs?
-Et bien...la plupart des joueuses étaient à leur dernière année de fac donc...
-Je vois. La coupa t-Elle. Je dois y aller maintenant.   Tu m'as démasquée donc je n'ai plus que le choix de te dire que tu peux compter sur moi.
Et sans attendre sa réponse, Jaïa longea le pas pour s'éloigner.

Si un jour on eût dit à Jaïa que, Kai et elle seraient devenus aussi proche et ceci en un si peu de temps, elle aurait mis sa main dans un fourneau tant qu'à accepter cela comme une vérité. Elle l'avait détesté et  cela aurait demeuré inchangé s'il n'avait pas eu l'hardiesse de solliciter son pardon.
Ils étaient couramment assis à la même table et cela ne dérangeait pas autant qu'avant Jaïa. Elle lui avait pardonné depuis bien longtemps mais refusait catégoriquement de le laisser entendre. Elle était maintenant assise confortablement sur le canapé, ses écouteurs flanqués à volume haute dans ses oreilles. N'ayant pas aperçu Kai s'approcher d'elle, elle sursauta à son toucher.
-Tu m'as fait peur.
-Pardon, on se fait une partie avant d'aller se coucher? Kai dit en s'asseyant à l'autre bout du canapé.
Jaïa fronça légèrement les sourcils en le fixant. Il était devenu affreusement plus beau que les temps auparavant. Sa barbichette avait un peu repris de volume et cela lui allait à la perfection. Un autre jour, pensa Jaïa, je lui dirai de ne plus la couper. Elle se releva brusquement du sofa puis lui lança un regard méprisant, le dédaignant de bas en haut.
-Je n'ai pas envie aujourd'hui. J'ai un énorme mal de tête.
-Est-ce que tu me mens là?
-Pourquoi je te mentirais. Répondit elle en haussant les épaules, se dirigeant dans la cuisine.
Bien sûr qu'elle mentait. Aucun mal ne lui faisait défaut ou du moins, pas physiquement. Elle se sentait exploser, remuer dans sa tête, perdue. Refoulant ces émotions qui la perturbaient, elle saisit un couteau dans un tiroir et se mis à éplucher des pommes de terres qu'elle avait récupéré dans le frigo. Son visage se remplit de larmes soudainement et lui brouillant la vue, Jaïa les essuya du revers de la main pour ensuite passer cette dernière sur le short qu'elle portait.
Il serait impossible -sinon comment procéderait-on- de connaître la cause de ses sanglots, qui avaient surgit si subitement. C'était seulement planté en elle, cette sensation de n'être qu'une boule d'angoisse, abattue, malheureuse. Elle se remémora en un souvenir, toutes les nuits qu'elle avait passé à noyer ses oreillers de larmes et, les journées qu'elle avait dû se retirer à part pour pleurer, les mains lui serrant la bouche pour étouffer les cris. Pourquoi fallait-il qu'elle soit si perturbée? Qu'est-ce qui pouvait tant accabler ses esprits...
Elle s'effondra encore, les mains tremblantes. Le couteau qu'elle tenait tomba sur le sol, faisant un bruit sourd. Ses lèvres se mirent elles aussi à trembler et ne voulant pas que Kai entende sa voix étouffée, elle apporta ses mains à sa bouche, le ruisseau de pleurs coulant sur ses joues. Rien n'y fit. Kai la héla du salon d'une voix inquiétante et entendant les pas se rapprocher, Jaïa se jeta sur l'évier, ouvrit le robinet et passa de l'eau sur son visage.
-Ça va? J'ai entendu un bruit. Il dit en se mettant sur le côté.
-Ça va tu peux retourner au salon. Jaïa répondit en se raclant la gorge. Oubliant qu'elle ne portait qu'un crop top, elle passa sa main sur son ventre croyant avoir un t-shirt pour s'essuyer la face.
-Tu as pleuré? Demanda encore Kai, se tenant toujours sur le côté.
-Non, c'est juste de l'eau sur mon visage. Mentit-Elle en se retournant pour qu'il puisse voir. Je me suis lavée le visage.
En effet il avait vu. Il a tout de suite remarqué que ses yeux étaient rouges et ne voulant surtout pas dire quelque chose de travers, il ajouta:
-Mais j'ai cru entendre...
-C'est juste de l'eau sur mon visage, rien d'autre. Elle répéta en le coupant. Où est le couteau? Elle se dit en regardant dans l'évier et ça et là.
Kai passa près d'elle et se pencha pour ramasser le couteau qui était par terre.
-Merci. Elle dit sèchement quand il le lui tendit.
-Je vois bien que ça ne va pas Jaïa, tu mens très mal. Il dit en se tenant derrière son dos. Son souffle s'abattait derrière sa nuque.
-Peux-tu s'il te plaît te déplacer? Tu me mets mal à l'aise. Elle lui dit rapidement.
Il s'exécuta.
-Merci.
Il lui retint la main qui tenait le couteau, leurs visages étaient assez proche et leurs yeux se rencontrèrent quand Jaïa releva les siens vers lui. Et comme  il la dépassait d'une bonne quinzaine de centimètres, il la regardait de haut.
-Je vais continuer pour toi. Il lui dit fermement, n'otant pas ses yeux d'elle. Tu peux aller te coucher.
-Quoi? Tu te crois en position de me donner des ordres maintenant? Elle lui jeta fièrement.
-Fais ce que je te dis pour une fois.
L'espace entre eux diminua, devint plus étroit. Kai prenait sur lui pour ne pas l'embrasser, se contentant seulement de regarder ses lèvres et d'imaginer, alors qu'elle se tenait juste devant lui.
-Je n'en ferais rien du tout. Elle lui défia.
-Donne. Kai répéta en baissant les yeux vers la main qui tenait le couteau. Il écarquilla les yeux lorsque ces derniers tombèrent sur les avant-bras de Jaïa. Deux cicatrices longeaient chacune de ses poignets et ses avant-bras étaient quasi remplis eux aussi de cicatrices.
Jaïa ôta furieusement ses mains lorsqu'elle vit ce qui retenait tant son attention. Elle lui avait lâché le couteau et était maintenant adossée au frigidaire. Voyant qu'il allait ouvrir sa bouche -certainement pour lui poser des questions- Jaïa se déroba à pas feutré de la cuisine en lui lâchant:
-Tu sais quoi, tu as raison. Je ne me sens pa très bien. Fais ça. Fais ce que tu veux. Elle dit en désignant les pommes de terres. Continue pour moi, je vais me coucher. Tu me les apporteras dans ma chambre?
-Ouais je fais ça. Kai lui dit, voyant sa ruse.
-D'accord. Fit elle en courant presque, hors de la pièce.
Les minutes semblaient s'éterniser. Bien qu'elle répondait aux messages de Mary, Jaïa sentait que le temps marchait à reculons. Elle déposa son téléphone et se releva par terre où elle était assise. Au moment où elle allait ouvrir grandement la porte, Kai sortait de la cuisine, plateau en main, elle la referma aussitôt avec la plus grande discrétion.
Il la héla lorsqu'il arriva sur le seuil, elle lui ouvrit et il lui rendit le plateau.
-Merci. Elle dit honnêtement avec un sourire.
-Je vais dans la salle de bain. Il annonça, comme pour faire comme elle.
Jaïa rit puis ,Kai déplacé, se réfugia dans sa forteresse.

Cisco ordonna furieusement à son petit frère d'aller se coucher. Huit heures dépassé et il était toujours là, les yeux accrochés à la télévision. Si papa et mama étaient là, pensa Cisco, ils n'auraient eut qu'à le regarder et il aurait obéit.
-Javier, je te donnes cinq minutes de plus et ensuite tu montes te coucher. Il lui avait dit en espagnol.
La sonnerie de son portable retentit. «Jaïa» s'afficha sur l'écran lorsqu'il le sortit de sa poche.
-Comment ça va? Je n'avais pas de tes nouvelles de toute la journée. Cisco lui avait dit en décrochant.
-J'étais allée à la fac aujourd'hui c'est pour ça. Ça va toi?
-Je vais bien. Mon petit frère est avec moi aujourd'hui, tu peux imaginer comment c'est. Il dit sur un ton de plainte.
-Oh! Il est là? Laisse moi lui dire un petit coucou.
-Si tu parles espagnol d'accord pourquoi pas. Cisco dit en riant.
-J'avais oublié ce détail. Rit elle à son tour. Mais j'aimerais bien le voir avant qu'il ne s'en aille.
-C'est quand tu veux, il est là jusqu'à Jeudi, attends. Javier les cinq minutes sont passées maintenant, va te coucher. Cita t-il dans son espagnol bien prononcé.
Et voyant que son petit-frère l'avait écouté, il reprit alors sa conversation avec Jaïa.
-Je ferai tout pour le voir avant qu'il ne s'en aille. Jaïa dit en se relevant du lit, déposant le plateau vide sur sa table de chevet.
-Bonne nuit à toi aussi. Elle ajouta ensuite en raccrochant.
Après s'être parée pour dormir, c'est à dire nue comme un vers, Elle se flanqua là pour chercher le sommeil. Mais le trouverait elle? Ou devrait elle encore s'attendre à une nuit blanche?
Elle soupira un bon coup puis ferma les yeux.

Au petit matin à leur réveil, ils, Kai et Jaïa, se croisèrent devant la porte de la salle de bain. Elle y sortait, serviette enroulée autour du corps. Ils se saluèrent brièvement et rebroussant son chemin, Jaïa se retourna pour lui parler.
-Kai...
-Oui. Il répondit en se reprenant rapidement, lui qui regardait éperdument Jaïa en serviette s'éloigner, priant qu'elle ne l'ait vu la fixer.
-Je voulais te remercier pour hier soir, c'était gentil de ta part.
-C'est rien.  Tu aurais sans doute fait la même chose pour moi.
-Je ne crois pas non. Elle dit en se moquant.
Kai rit de toutes ses dents, puis ajouta:
-J'avais oublié à quel point tu étais méchante et peste. Rigola t-il.
-Non sérieusement, merci. Jaïa lui dit après, la rigolade passée.
-On se soutient. Dit-il en laissant ses bras tomber le long de son corps.
-On pourrait sortir un de ces jours, -elle haussa les épaules- si tu as toujours envie qu'on apprenne à se connaître.
-Pourquoi pas plus tard? Suggéra t-il, voulant sauter sur l'occasion.
-Oui pourquoi pas? On se voit plus tard après les cours. Lança t'elle en s'en allant.
-Plus tard, c'est ça oui. Kai répéta en murmurant, la fixant toujours avec son regard profond, jusqu'à ce qu'elle disparaisse de son champ de vision.

-Monsieur, toutes les réunions que vous aviez renvoyé la semaine dernière sont en attente. Avait dit une femme, tailleur-pantalon sur mesure collé à la peau, en courant presque derrière l'homme auquel elle semblait s'adresser.
-Janet -Lui avait répondu celui qui semblait être le patron- pouvez-vous au moins me laisser entrer dans mon bureau?
-Certainement mais...
-Alors laissez-moi entrer dans mon bureau. Il dit, se tenant sur le seuil de la porte. Je ne vais pas me sauver.
Ceci dit, il claqua la porte au nez de la jeune femme.

    De l'autre côté Où les histoires vivent. Découvrez maintenant