Toujours les fesses à terre, je tente de comprendre comment le voisin, à présent le poing levé faisant des cercles en brassant l'air accompagné de petits cris, a pu ouvrir la porte avec son orteil cassé. Et je parle, bien entendu, de la feuille plastifiée qui en témoigne. D'ailleurs, Pierre est tout autant impressionné si j'en crois ses yeux grands ouverts et le fait qu'il ne pleure plus. À moins qu'il ne trouve la réaction du voisin quelque peu abusive.
– Comment vous avez fait ? je demande en me redressant.
– Et bien je me suis souvent retrouvé enfermé dehors, et comme payer un serrurier devenait trop cher, j'ai appris des techniques pour m'en sortir seul.
Il ouvre la porte en grand, et, accompagné d'une pseudo révérence,m'invite à entrer. Je range toutes mes affaires laissées sur le sol, prends Pierre dans les bras et avance prudemment dans l'appartement. L'idée qu'un individu mal intentionné ait pu voler les clés et se soit tapi dans l'ombre prêt à me sauter dessus ne me quitte pas. J'inspecte avec minutie tous les recoins, serrant un peu plus fort Pierre contre moi à chaque pas qui m'enfonce davantage dans le logement. Je regarde sous chaque lit, dans chaque placard, et au moment d'entrer dans la salle de bains, mon cœur s'affole en apercevant dans le miroir, le reflet d'une personne se tenant derrière moi. En une fraction de seconde, Pierre se retrouve compressé contre ma joue, mes paupières se ferment, je me crispe,et retiens mes larmes en attendant le coup fatidique de mon agresseur.
– Vous les avez trouvées ?
Je rouvre les yeux, mes muscles se détendent en même temps que toutes mes pensées s'éclaircissent. Mon cœur, en revanche, continue de battre à tout rompre, trop perturbé par cet ascenseur émotionnel.
– De quoi ? je demande en me retournant sur le voisin.
Il ouvre les yeux ronds accompagnés d'une moue dubitative. Je secoue la tête pour appuyer mon incompréhension.
– Les clés, précise-t-il, vous avez fouillé toutes les pièces, vous les avez trouvées ?
– Oh oui, les clés...
Le voisin s'efface pour me laisser sortir de la salle de bains, suit mon cheminement jusqu'à la console située à côté de la porte d'entrée où elles sont posées.
– Elles sont là, je précise en les brandissant en l'air pour les reposer aussi vite au même endroit. Merci pour le coup de main, ou devrais-je dire, coup de pied. Mais dites-moi, est-ce que, comment dire, est-ce qu'on peut se douter que la porte n'a pas été ouverte avec les clés ?
Pierre se frotte les yeux tout en baillant à s'en décrocher la mâchoire et pose sa tête sur mon épaule les paupières de plus en plus lourdes.
– Je suis un professionnel, précise-t-il en croisant les bras sur son torse, aucune chance pour détecter la moindre trace suspecte. Si vous ne dites rien, personne ne saura.
J'appuie mon regard sur sa dernière phrase, après tout, comment savoir, si je décide de ne rien dire, qu'il n'en parlera pas. Il s'agit du voisin de mes employeurs, j'ignore tout de leur complicité, sont-ils de simples étrangers qui échangent un vague bonjour lorsqu'ils se croisent ? Partagent-ils des moments conviviaux en s'invitant mutuellement ? Seraient-ils assez proches pour confier ma mésaventure, et, si tel est le cas, comment réagiraient Magalie et Sylvain en apprenant que j'ai préféré leur cacher cette histoire ? Car, vous vous en doutez, ma question n'a pas été posée par hasard, et si je peux éviter d'aborder le sujet, je n'y manquerais pas ! J'ai peut-être une chance de ne pas me faire virer dès la première journée, autant saisir ma chance.
– Donc si je n'en parle pas, ils ne se douteront de rien ?
– Tout à fait, impossible de voir la moindre trace.
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Le papa de l'école
ChickLitLaissez-moi deviner, vous avez été interpellés par le titre ? À moins que ce ne soit la couverture un brin flashy ? Peut-être même qu'en voyant tous ces post-it, vous êtes déjà en train d'imaginer un papa complètement perdu, essayant de gérer ses en...