Trois minutes d'avance

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Le week-end est passé beaucoup trop vite, c'est tout juste si j'ai eu le temps de trouver un homme pour me tenir compagnie durant la nuit. Rassurez-vous, j'y suis parvenu au dernier moment. Un grand brun avec de jolis yeux bleus, rencontré dans le même restaurant que l'on avait choisi mes amies et moi. Il était visiblement accompagné de collègues de travail, puisque je n'ai pas pu m'empêcher d'écouter leur conversation lorsque Sabrina s'est mise à raconter les dernières prouesses de son fils.

Ils fêtaient quelque chose d'important, sans doute un super contrat ou que sais-je, j'ai arrêté de m'y intéresser quand mes yeux sont tombés sur cet homme. Costard cravate, élégant et sûr de lui, il m'a suffi de soutenir son regard plusieurs minutes puis sourire à chaque fois qu'il tournait son regard dans ma direction pour qu'il me remarque. Tout ceci pour accepter son invitation lorsqu'il m'a proposé de me raccompagner.

Vous vous souvenez des règles essentielles lorsque l'on a affaire à un inconnu : ne jamais aller chez lui, s'assurer d'avoir des témoins et enfin, suivre son instinct. Et cette fois encore, je n'ai pas été déçue, d'ailleurs, je devrais vraiment songer à tenir un tableau de chasse, ne serait-ce que pour connaître le nombre d'hommes qui passent dans mon lit en une année. Aussi bien, il pourrait vous surprendre car je suis certaine que vous pensez qu'il y en a un nouveau tous les jours. Mais pas du tout, la preuve, ce n'est que le second et nous sommes déjà au quinzième chapitre.

De plus, cet homme, dont j'ai déjà oublié le prénom, a eu la délicate attention de rester jusqu'au lever du jour, et, avant de partir, de me glisser son numéro de téléphone griffonné à la va-vite sur un bout de papier en précisant qu'en cas de solitude nocturne, je ne devais pas hésiter à l'appeler.

Soit, de toute manière, je ne comptais pas mettre ma première croix sur mon planning de vie avec lui, je cherchais un divertissement afin d'oublier la galère qui s'annonce lundi.

Enfin, à présent je peux dire la catastrophe à venir dans moins d'une heure. Mon réveil n'a pas sonné, une fois de plus, mais heureusement, ma chère Delphine a eu la bonne idée de m'appeler. Aucun doute qu'elle se doutait que je ne serais pas réveillée.

Je fais l'impasse sur le petit déjeuner, file sous la douche, et opte pour une robe vaporeuse au-dessus du genou, des sandales à semelles compensées et une petite veste fine. Je suis certaine qu'à une heure si matinale elle me sera utile malgré la journée estivale annoncée. Une touche de mascara, mon fameux rouge carmin sur les lèvres et les cheveux tombant dans le dos, je dévale mes quatre étages en jetant un œil sur mon téléphone. Si j'arrive à attraper le bus, j'ai encore une chance d'arriver à l'heure. Je cours jusqu'à son arrêt, manquant de peu de me tordre les chevilles mais y parvient juste avant son arrivée.

Une dizaine de personnes est déjà installée, je ne pensais pas qu'il y aurait autant de monde à six heures quarante-cinq du matin, ça devrait être interdit de commencer si tôt, c'est tout juste si le jour commence à se lever et pourtant, nous sommes encore en été pour quelques jours. Je m'installe dans le fond du bus, et sort mon livre pour me plonger dedans en prenant soin de lever le nez régulièrement afin de ne pas louper mon arrêt.

Vous vous souvenez, j'ai décidé de prouver que je suis capable de relever tous les défis, je dois donc adopter un nouveau comportement et de nouvelles habitudes. À peine dix minutes plus tard, je m'élance d'un pas déterminé en direction de l'immeuble où je vais passer les prochaines treize heures de ma vie. Un sentiment de panique m'envahit en réalisant cela, mais je m'obstine à le chasser aussi vite en me répétant à voix basse que je suis tout à fait capable de gérer.

Trois minutes avant sept heures, je suis devant la porte, réalisant mon nouveau record, à savoir, être en avance pour la première fois de ma vie active. Vous voyez, je suis tout à fait capable de gérer au moment où je l'ai décidé. Sans attendre davantage, je sonne, et, une fois n'est pas coutume, arrange machinalement mes cheveux.

Le papa de l'écoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant