A la conquête du monde

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Assise à la terrasse d'un café, je sirote mon verre de chardonnay en attendant Delphine qui semble vouloir se faire désirer ce soir. Je regarde l'heure sur mon téléphone, vérifie si je ne suis pas passée à côté d'un message ou appel en absence, regarde de tout côté si je ne l'aperçois pas au loin ou si elle n'aurait pas pris place à une autre table sans que l'on se croise. Ce n'est pas le cas et je ne vois vraiment pas ce qui pourrait expliquer son absence.

Comme il est rare qu'elle soit en retard, j'évite de m'imaginer des scénarios catastrophes, dont je suis la spécialiste, dans l'immédiat. Je pourrais aisément écrire un script sur l'apocalypse en l'espace de cinq minutes, juste en croisant un chat déguerpir à toute vitesse sans raison apparente. Comme si les chats avaient besoin d'un prétexte pour agir étrangement ! J'avale les dernières gouttes de mon vin, tapote un rapide SMS pour lui demander si tout va bien et quand compte-t-elle arriver, lorsqu'une voix masculine se fait entendre :

– Pardonnez-moi, mais je n'ai pas pu m'empêcher de vous remarquer et je tenais à vous dire, je vous trouve charmante.

Je relève les yeux sur un homme brun, la trentaine, attendant visiblement que je réponde quelque chose. Je lui lance un sourire, le téléphone toujours dans les mains.

– Merci.

– Je peux vous offrir un autre verre.

– Et bien, en fait j'attends une amie, elle ne devrait plus tarder, mais c'est gentil.

Ce n'est pas la première fois que l'on m'aborde de cette manière, je vous l'ai dit, je ne suis pas le genre de fille qui passe inaperçue, d'ailleurs, si Delphine ne devait pas me rejoindre, j'aurais volontiers fait plus ample connaissance avec lui. Et il aurait très certainement rejoint ma longue liste des hommes d'un soir dont j'ignore le nombre.

– Dommage pour moi, passez une bonne soirée.

Il part en me lançant un clin d'œil mais sans commander mon second verre. Je souris malgré moi ravie de constater que j'exerce toujours cette attraction sur les hommes. Le blaireau a réellement failli me faire douter de mes talents de femme fatale.

Mon smartphone vibre pour m'indiquer l'arrivée d'un nouveau message. C'est Delphine qui s'excuse de son retard et précise qu'elle sera là d'ici une dizaine de minutes. Autant demander tout de suite ma deuxième consommation. Sitôt ma commande déposée devant moi, j'avale une longue gorgée du breuvage euphorisant, même si ce soir, il me faudra en absorber plusieurs pour oublier ma journée désastreuse.

La terrasse est pleine, j'espère que Delphine ne va pas trop tarder, ça fait déjà deux fois qu'on me demande si la chaise en face de moi est libre, je vais finir par ne plus être crédible lorsque je réponds attendre quelqu'un. Je commence même à soupçonner certaines personnes autour de moi se demander si on ne m'a pas posé un lapin. Le temps commence à me sembler bien long, je serais presque tentée de me mettre à fumer, juste pour pouvoir demander une cigarette au type de la table à côté et ainsi adresser la parole à quelqu'un.

L'air de rien, j'écoute d'une oreille attentive les conversations autour de moi, feignant d'être totalement absorbée par l'écran de mon téléphone. C'est fou ce que les gens peuvent se raconter en public en étant persuadés qu'aucune personne ne leur prête attention. Honnêtement, je n'aurais jamais osé parler de mes problèmes de couple en pleine rue, au vu et au su de tout un tas d'inconnus.

Je sais, vous allez répondre que le fait de ne pas avoir de relation stable contribue favorablement à ne pas me confier sur ce genre de détails, mais, croyez-le ou non, il y a beaucoup de choses que je garde pour moi. J'ai titillé votre curiosité n'est-ce pas ? Bien tenté, mais si je vous les révèle, ce ne sera plus un secret ! Et puis, qui sait ? Peut-être que vous en découvrirez tout au long de ce récit.

Le papa de l'écoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant