Le déni

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Pourquoi suis-je ici déjà ? Pour prouver que je suis tout à fait capable de m'en sortir, et de commencer à faire des croix sur mon planning de vie ? Même vous, vous êtes en train de vous dire que c'est impossible, je m'enfonce un peu plus en laissant croire le contraire. Je lui fais perdre son temps, autant lui dire tout de suite que je n'ai aucune expérience, ça ne sert à rien de continuer cet entretien. Je n'ai même pas le temps d'ouvrir la bouche, qu'Agathe prend la parole de sa petite voix aiguë :

– C'est toi qui va nous garder ?

Je pose mes yeux sur elle, lui lance un sourire mitigé, et répond maladroitement :

– Et bien, tout dépend de ce que va décider ta maman, je suis ici justement pour voir avec elle si cela est possible ou non.

Sa mère ne répond rien et son fils en profite pour continuer l'interrogatoire :

– Tu t'appelles comment ?

– Ariel.

– Comme la petite sirène ? enchaîne sa sœur.

– Exactement, comme la petite sirène, mes parents m'ont appelé comme ça parce que j'ai la même couleur de cheveux qu'elle.

– Moi aussi j'aurais bien aimé avoir le nom d'une princesse.

– Mais ton prénom est très joli et tu sais, peut-être qu'un jour il y aura une princesse dans un dessin animé qui aura le même que toi.

– Tu crois ?

– Bien sûr !

Durant cet échange, j'ai remarqué que leur mère semblait ravie que ses enfants prennent la parole. Elle les laisse continuer, sans doute pour se familiariser avec moi.

– Mais t'es pas aussi jolie que elle, précise Jules en me montrant du doigt, et si t'es pas belle tu peux pas être princesse. Moi je veux être chevalier, je veux une épée pour Noël et comme ça je pourra casser tous les dragons.

– Je pourrais casser, rectifie sa mère.

Sur ces mots, Jules se lève et fait mine de se battre avec un ennemi invisible donnant des coups de pieds et de poings au hasard en faisant tout un tas de bruit avec sa bouche censé reproduire ceux d'une bagarre. Sa sœur se met à pleurer exagérément en se plaignant de son frère d'être méchant en disant qu'elle n'est pas belle.

Derrière ce joli raffut, les pleurs de Pierre viennent s'ajouter quelques secondes après, me laissant apercevoir ce qu'il me faudra gérer si je suis embauchée. Je dois absolument sortir de là avant de ne plus pouvoir faire marche arrière.

– Je pense que...

– Je vais pouvoir vous présenter Pierre, me coupe leur mère, Agathe s'il te plaît, tu peux me laisser, je dois aller chercher ton frère.

Elle se défait tant bien que mal de sa fille agrippée à son débardeur, de grosses larmes dévalant toujours ses joues, tandis que Jules continue de se battre seul en poussant des cris stridents.

Je devrais tenter de dire quelque chose pour les calmer, mais la seule idée qui me traverse l'esprit, c'est d'en profiter pour filer d'ici en douce.

Les pleurs de Pierre s'intensifient quand sa mère ouvre la porte de sa chambre, Jules se roule alors par terre en se tenant l'épaule droite de sa main gauche tout en hurlant qu'un dragon vient de lui arracher le bras et Agathe ne cesse de lui crier dessus, répétant en boucle qu'il est méchant, des sanglots forcés s'échappant de sa bouche de poupée.

Le papa de l'écoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant