Deux desserts

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Le retour n'est pas de tout repos. Entre les gémissements du plus jeune, Agathe répétant en boucle qu'elle est fatiguée, Jules qui, contrairement à moi, n'a pas oublié la surprise promise de ce matin, et mes pieds qui souffrent affreusement, je commence à comprendre pourquoi leur mère semblait si soulagée de trouver quelqu'un pour s'en occuper. À peine la porte de l'appartement refermée, je me fais assaillir par la même question venant des deux plus grands:

- Qu'est-ce qu'on mange ?

Prise de panique, et n'ayant aucune idée de la réponse, je réponds du tac au tac :

- C'est ça la surprise ! Vous l'aurez à midi. Mais d'abord, enlevez vos chaussures et allez vous laver les mains.

Pendant qu'ils s'exécutent, je retire également mes sandales dans un soupir de soulagement, détache Pierre de sa poussette pour le poser par terre, et me précipite dans la cuisine ouvrant placard et frigo à la recherche d'un menu facile à préparer dans un laps de temps plus que limité. Étant donné mon manque de créativité culinaire, j'opte pour des pâtes au beurre et des steaks hachés. Ça fera une super surprise, j'en suis certaine. N'est-ce pas, avec les frites, le repas préféré des enfants ?

En attendant que l'eau bout, je me charge de changer la couche de Pierre, qui semble décidé à être coopératif, sans doute aidé par la présence de son frère et de sa sœur. Ces derniers sont plus déchaînés que jamais, tournant dans la chambre de leur cadet, répétant en boucle qu'ils ont faim et qu'ils veulent leur surprise.

- Je sais, je sais, j'ai compris, encore quelques petites minutes et on pourra passer à table. Allez jouer un peu dans vos chambres en attendant, d'accord ?

- Mais on a faim maintenant ! s'écrie Jules en tapant du pied pour appuyer sa phrase.

Je dois faire appel à toute ma patience pour ne pas lui dire d'aller se faire cuire deux œufs, et tout ça pour rester polie, bien entendu.

- Jules, j'ai compris, mais tu auras beau le répéter en boucle, il faut quand même attendre que ça termine de cuire.

Sur ces mots, je relâche Pierre qui s'empresse de rejoindre sa sœur dans un quatre pattes parfaitement maîtrisé et s'agrippe à ses jambes pour se mettre debout.

- Bravo Pierre, le félicite Agathe, allez marche maintenant !

Elle lui attrape les mains et entreprend de mettre son injonction en action. Pierre, dans un premier temps, rigole, fier de tenir debout aidé par son aînée, qui décide de le lâcher au moment où il tente quelques pas me laissant sans réaction lorsqu'il s'étale de tout son long sur le parquet de la chambre.

Par chance, ce n'est pas sa tête qui percute le sol en premier, toutefois, elle n'est pas épargnée pour autant et malheureusement sa lèvre est en sang lorsque je le redresse pour vérifier l'étendue des dégâts. Premier réflexe, observer l'état de ses dents, il n'en a déjà que quatre, ce serait mal venu que l'une d'entre elles manque à l'appel ce soir. Le compte est bon, il s'est sans doute mordu lors de la chute, rien de bien méchant.

En même temps, depuis le début de la journée je ne cesse de répéter que l'un de nous deux ne finira pas la journée en entier.

- C'est rien, c'est pas grave, ça va aller.

J'ai beau répéter ces mots indéfiniment, personne ne semble les prendre en compte. La preuve, Pierre hurle à m'en perforer les tympans, Agathe se met à pleurer en bégayant que tout est de sa faute, et Jules, trop heureux de cette occasion, prend un malin plaisir à affirmer les dires de sa sœur. Est-ce que vous pensez que l'heure de craquer est arrivée ? Non, pas encore, et je tiens toujours bon lorsque Pierre décide d'enfouir sa tête sur le haut de ma robe jaune pâle, faisant éclore un magnifique coquelicot au milieu d'un champ de blé. Je songe vraiment à brûler cette robe une fois rentrée.

Le papa de l'écoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant