La rencontre

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Un soleil lumineux m'accueille quand je sors de mon immeuble, me donnant un sentiment de force. Je souris en marchant la tête haute, déterminée à faire bonne impression et à ne pas retrouver mon conseiller dans une semaine. Étant largement dans les temps, chose assez rarissime je dois l'admettre, je décide d'y aller à pied. Une quinzaine de minutes plus tard, me voilà comme prévu devant l'immeuble. Je pianote le code reçu par SMS quelques instants plus tôt, ouvre la porte quand le cliquetis résonne et monte dans l'ascenseur en appuyant sur le troisième étage.

Je passe tout le temps de la montée à regarder si rien n'est coincé entre mes dents, que mon khôl n'a pas coulé, et à arranger mes cheveux tout en prenant des poses improbables face au miroir. Si je m'apprêtais à défiler pour un grand couturier, ce serait la même chose.

Les portes coulissantes s'ouvrent et je me retrouve sur un palier desservant quatre portes d'entrée. Je n'ai aucune idée de celle où je suis supposée me rendre, mais, comme il me reste encore dix minutes, je décide de tenter de deviner par moi-même, je ne veux pas, dès le début, lui prouver mon incapacité à retenir des informations capitales, même si en y réfléchissant bien, je ne suis pas certaine qu'elle me l'ait précisé.

Histoire de compliquer la tâche, aucun nom n'est accolé aux sonnettes, j'aurais très bien pu avoir une révélation en lisant celui chez qui je dois me rendre. Je n'ai plus d'autres choix que d'écouter aux portes. Ça doit être assez facile de repérer des cris d'enfants. Je colle mon oreille sur la première, mais aucun son ne me parvient, impossible que ce soit leur appartement. Je réitère l'expérience avec la seconde puis avec la troisième.

Je suis concentrée, retenant mon souffle afin de percevoir la moindre petite voix fluette, lorsque la porte s'ouvre brutalement me faisant perdre l'équilibre. Par réflexe, je me raccroche à la première chose qui me tombe sous la main, comprenez par là que je m'agrippe au T-shirt du propriétaire de l'appartement. Surpris, ce dernier me rattrape tant bien que mal et m'évite ainsi une chute des plus spectaculaire. Retrouvant un semblant d'équilibre, je me détache de cette situation embarrassante, en m'éloignant de quelques pas, rejette les mèches de cheveux qui me tombent devant les yeux, en arrière, et tente d'expliquer la raison de ma présence derrière sa porte :

– Excusez-moi, je cherche...

Je suis incapable de terminer ma phrase. Est-ce que je dois lui dire que je cherche la maman qui a désespérément besoin d'une nourrice ? S'il s'agit de son mari, est-ce que vous pensez vraiment qu'il confiera les êtres les plus chers à ses yeux à une femme incapable de se souvenir chez qui elle doit se rendre ? Même s'il me semble un peu jeune pour être déjà père. Et s'il ne s'agit que d'un voisin, est-il censé connaître la vie de tous les habitants de l'immeuble ?

Sa réaction est plutôt surprenante face à mon ambiguïté. Loin de trouver la situation étrange, il sourit dévoilant des dents blanches, dont celles du bas se chevauchent légèrement, ses yeux noisette se mettent à pétiller malicieusement, et les traits de son visage, ainsi plus détendus, accentuent son côté juvénile. Une attitude surprenante et inadaptée, selon moi, au vu des circonstances inhabituelles, qui en temps normal m'auraient fait fuir sur le champ. Qui peut sembler amusé de trouver une femme derrière sa porte, à part quelqu'un de louche ? Je serais une proie parfaite pour une personne mal attentionnée en me jetant directement dans la gueule du loup. Cependant, je reste là, curieuse de savoir jusqu'où il pourra paraître aussi décontracté avant d'être désemparé.

Il passe nonchalamment une main dans ses cheveux châtain ébouriffés tombant dans sa nuque, s'appuie contre le chambranle de la porte de l'autre, et tout en minaudant termine pour moi :

Le papa de l'écoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant