Baby-sitters assassinées

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Je pousse un soupir de soulagement quand je referme la porte de l'appartement, et me laisse glisser sur le sol, restant là, incapable de faire le moindre geste, Pierre toujours attaché dans sa poussette, qui me fixe de ses grands yeux larmoyants. En toute franchise, je suis à deux doigts de le rejoindre dans sa complainte, ça doit être assez libérateur de laisser sortir sa détresse. Un petit coup d'œil à l'horloge fixée au mur du salon finit de me désespérer. Il n'est même pas neuf heures, comment je suis censée assurer jusqu'à la fin de la journée, alors que je n'ai déjà plus d'énergie ?

Pierre émet un cri strident coupant court à mes réflexions, et se jette d'avant en arrière avec une force incroyable, à tel point que la poussette se met à avancer puis reculer au rythme de ses assauts.

- Du calme, j'arrive.

Je me redresse avec difficulté, le détache et au moment où je le prends dans mes bras, une odeur facilement reconnaissable envahit la pièce. Comme pour confirmer mes soupçons, il me regarde en hurlant de plus belle tout en se débattant sans relâche.

- Pierre je t'ai déjà dit de ne pas gesticuler comme ça, on va changer ta couche et t'habiller, d'accord.

Bien entendu il ne me répond pas, et tout en le maintenant fermement, je me dirige dans sa chambre décorée, comme le reste de la maison, avec beaucoup de goût. Au-dessus du lit à barreaux, contre le mur de gauche, sont accrochés trois tableaux dans les tons écru et beige, chacun représentant un animal différent. La table à langer est juste en face avec tout le nécessaire de toilette, là aussi la housse de protection est beige. De gros stickers d'animaux, d'arbres et de personnages divers et variés sont collés un peu partout avec une sensibilité du détail impressionnante. Ainsi, une véritable histoire est comptée sur les murs écru.

Enfin, tout un tas de décorations, toujours dans les mêmes camaïeux, sont disposés sur la table de chevet, la bibliothèque comprenant de nombreux livres d'enfants et sur l'étagère où se trouvent quelques cadres photos de la famille lors de différentes sorties.

Je fouille dans la commode pour en sortir la tenue de Pierre et commence à le déshabiller. La grenouillère retirée, j'ai la mauvaise surprise de constater que tout a débordé. Je comprends mieux pourquoi il avait hâte d'être changé. C'est un véritable carnage, je n'ose même pas enlever le body, et encore moins la couche, car, je devine qu'il me faudra bien plus que quelques lingettes pour en venir à bout.

Heureusement, ma chère nièce avait le don pour me faire ce genre de surprises à chaque fois que je devais la garder quelques heures, et ma belle-sœur avait été très claire sur le sujet : on n'hésite pas dans ce genre de situation, on la met à l'eau !

Alors, sans réfléchir, me voilà en train de maintenir Pierre à bout de bras pour éviter qu'il ne m'en mette de partout, direction la salle de bains. Je l'allonge dans la baignoire, retire son body et la couche, mets le tout dans un coin, règle la température de l'eau, et le rince pour enlever toutes les traces de souillure. Étrangement, il ne bronche pas, il semble même apprécier cette petite douche matinale.

- Ça fait du bien d'être propre n'est-ce pas ?

Pour toute réponse, il me rend un sourire auquel je réagis par un long "oh trop mignon" digne des filles gagas devant un bébé animal, ou encore celles des films romantiques dont je ne cesse de me moquer ouvertement. Et d'envier aussi, il faut bien l'admettre, mais vous savez déjà pourquoi il est important de me rappeler que tout ceci n'est que mièvreries idéalisées et pas du tout représentatives de la réalité.

Une fois habillé, je le mets dans son parc, récupère le cahier où sont notées toutes les consignes et m'installe à ses côtés sur le canapé si confortable. J'essaye d'enregistrer toutes les informations importantes, comme les horaires de l'école, le nombre de biberons que prend Pierre et l'heure à laquelle les enfants se couchent.

Le papa de l'écoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant