Le planning de vie

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Je suis en retard. Terriblement en retard.

Ne vous méprenez pas, ne pensez pas qu'il s'agit d'un retard de quelques dizaines de minutes, un retard classique comme le crie si bien le lapin blanc dans « Alice aux pays des merveilles », sa montre à gousset dans sa patte, répétant à tout va qu'il est tellement en retard qu'il n'a pas le temps de dire au revoir. Loin de là. Pour tout avouer, il se compte en années.

Je vous explique, d'après mon planning de vie, je devrais être mariée depuis neuf ans, avoir deux enfants, être sur le point d'accoucher d'un troisième, vivre dans une sublime maison avec un jardin immense. Mon travail me permettrait de me sentir totalement épanouie, tout comme mon mari, un homme charmant au sourire dévastateur avec une touche de romantisme pour parfaire le personnage idéal. En gros, avoir une vie parfaite dans un monde parfait. Le genre de vie que l'on ne voit que dans les contes de fées où tout finit toujours bien.

Pour moi, ce n'est pas vraiment le cas. À dire vrai, la seule chose que je tiens des contes de fées, c'est mon prénom.

Je sais, j'ai éveillé votre curiosité et vous mourez d'impatience de le connaître. Pas de panique, vous allez le découvrir, pas tout de suite, non, je préfère vous laisser ce plaisir pour plus tard. Et ce moment arrivera bien plus vite que vous ne le pensez, et je vous assure, vous n'allez pas être déçu.

Pour le moment, je me prélasse sous ma couette, savourant les minutes qui me séparent du moment où je devrais inévitablement sortir de chez moi, prendre le bus pour rejoindre mon travail, qui vous l'aurez compris, est loin de m'être satisfaisant.

Vous devinez la suite n'est-ce pas ? C'est tellement prévisible. Je saute de mon lit en découvrant que j'étais supposée me lever il y a déjà une heure. Pourquoi ce satané réveil n'a pas sonné ? Par chance, je suis devenue experte dans l'art des préparations express. Tout est question d'organisation. Après un rapide passage aux toilettes pour soulager ma vessie, j'enfile laborieusement une jupe boule fleurie par-dessus un legging noir, un top cintré de la même couleur, tout en pratiquant un brossage de dents furtif mais efficace. Un soupçon de mascara sur les cils, un trait d'eye-liner sur les paupières, et un rouge carmin sur les lèvres, je m'élance dans les escaliers de mon immeuble dévalant à toute allure les quatre étages, mes escarpins à talons hauts rendant la manœuvre plus laborieuse que prévu.

La pluie m'accueille avec fracas lorsque j'arrive enfin à extirper la poignée de la porte coincée dans mon top évitant de justesse de le déchirer. Il semblerait que l'automne ait décidé d'arriver mi-août cette année. Par chance, j'ai eu la présence d'esprit de prendre une veste avant de sortir. Je m'en sers comme d'un parapluie la brandissant de mes deux mains au-dessus de la tête courant à toutes jambes vers l'arrêt du bus, croisant les doigts pour qu'il ne soit pas déjà passé.

Étrange, personne n'est agglutiné sous l'abri. Je prends place sur le banc, jette un coup d'œil à l'horloge me rassurant sur le fait que je suis dans les temps. Plusieurs longues minutes passent sans que personne ne vienne me rejoindre. Je suis même surprise de voir la rue pratiquement déserte, ayant l'habitude de la voir beaucoup plus animée les jours de semaine. Certes, nous sommes en pleines vacances d'été, il me semble toutefois avoir vu beaucoup plus d'agitation même en cette période.

Je sors de mon sac à main le livre commencé hier, profitant de cet instant de répit pour me plonger dans ce roman mêlant suspense, amour et paranormal. Une dizaine de pages ont été tournées quand mon bus arrive enfin. Je prends place côté fenêtre, ayant l'embarras du choix, et poursuis ma lecture passionnante. Je suis absorbée par les mots, « Heather Graham » a le don d'écrire des livres hypnotisant, en tout cas pour moi. Tous les ingrédients sont là pour me faire oublier le monde qui m'entoure : des fantômes, de l'amour, une enquête. Heureusement, je lève la tête assez tôt pour remarquer que l'on approche de mon arrêt. Avouez, vous étiez persuadé que j'allais le rater et vous n'auriez pas eu entièrement tort puisque c'est une de mes spécialités.

Le papa de l'écoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant