19 : Cassio

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A peine passe-t-elle la porte de la chambre qu'elle se précipite vers la lampe. La douce lumière se propage dans la pièce et me permet d'observer la jeune gringa. Son short me laisse apprécier ses longues jambes musclées tandis que son tee-shirt à manches longues recouvrent ses bandages de telle sorte qu'ils soient dissimulés aux regards curieux.

Ses yeux sont rougis à cause de ses pleurs. Les épaules affaissées, la tête baissée, on pourrait croire qu'elle cherche à se faire la plus petite possible.

— Nous avons quitté la pièce qu'une dizaine de minutes mais lorsque l'on est revenu, m'a dit Juan, elle était plongée dans un sommeil agité ; elle frissonnait tellement qu'on aurait dit qu'elle convulsait, elle pleurait et répétait inlassablement ton prénom. Et toutes nos tentatives pour la tirer de son cauchemar se sont conclus par des échecs. Il a fallu cinq bonnes minutes pour qu'elle se réveille en hurlant ton prénom Cassio. Quand est-ce que tu vas comprendre qu'elle est en train de péter un câble ici ? (Il a soufflé, le regard accusateur). Tu devrais t'en occuper. Il faut songer à la laisser partir. Tu ne peux pas reproduire le schéma de tes parents.

Ce qui est en train de dérailler dans sa tête n'est pas bon du tout et risque de tout détruire. Dire que cela ne me préoccupe pas le moindre du monde serait mentir pourtant je me refuse à la laisser partir.

Je me sers un verre de scotch et m'affale sur mon siège.

Sky est assise en tailleur sur le lit, ses yeux sont perdus dans le vide. Elle est si calme alors qu'il y a quelques minutes à peine elle s'acharnait sur mon guardia sans raison ni état d'âme, elle s'est jetée sur moi sans réaliser qui j'étais ; je n'avais pas de visage pour elle. Elle semblait dans un état second comme possédée par une entité démoniaque. J'aimerai croire qu'elle était somnambule mais personne ne serait capable de faire de telle chose dans son sommeil.

A quel point Juan a-t-il raison ? A quel point Sky est en train de sombrer ?

"C'est partout en moi Cassio. C'est dans ma tête, dans mon corps.

Que t'ont-ils fait ? Ils m'ont détruit."

Je ne sais ni ce qu'ils lui ont fait ni ce qu'elle a dû faire mais je me promets que plus jamais elle ne souffrira. Ces gringos ne mettront plus jamais la main sur elle tant qu'elle sera à moi. En revanche, je ne pourrais jamais l'éloigner des meurtres car dans notre monde c'est fondamental : tuer ou être tué. Une devise à l'apparence évidente mais certains mettent les pieds dans un cartel sans avoir le cran d'appuyer sur la gâchette, résultats des courses : ce sont les premiers à passer l'arme à gauche.

— A quoi penses-tu ? Je finis par demander.

Elle sursaute et relève ses yeux cernés vers moi. Ces derniers m'ont paru si sombre pendant qu'elle essayait de me tuer. Dans l'obscurité de la nuit, j'ai presque imaginé qu'ils étaient aussi noirs que les miens.

— A mon futur.

— Et comment tu l'imagines ?

— Une fois que ce sera fini, je partirais loin d'ici.

Elle a donc organisé toute sa vie en oubliant que je ne la laisserais jamais partir. Elle me fait tant pensée à ma mère ; cet espoir sans faille que ce monde n'est pas si sombre est déroutant, on pourrait presque croire qu'elles se voilent la face volontairement.

— Je visiterai chaque endroit de cette Terre. Je commencerai par l'océan où je pourrais marcher dans le sable brulant, plonger sous les vagues et me laisser porter par le sel. Peut-être allégera-t-elle ce poids sur mes épaules ?

L'arme de la Mafia (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant