11 : Sky

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J'attends patiemment les bras croisés sur un siège disposé en face de la porte. J'essaie de ne pas me laisser submerger par les souvenirs. Parfois, des visages me reviennent. Et d'autres fois, je peux même entendre leur voix suppliante et leur cri de douleur. Ma mémoire ne me laissera jamais oublier les horreurs que j'ai fait. La douleur dans ma poitrine ne veut plus me quitter depuis que j'ai pris conscience de la vérité. Je suis une tueuse, un monstre créé pour détruire. Je ne serais jamais une bonne personne. J'ai tué, torturé des hommes, des femmes et même des enfants...

Puis finalement après une longue heure à attendre, Cassio pénètre dans la chambre. La lumière du couloir éblouit mon visage et chasse mes mauvaises pensées. Son regard s'ancre dans le mien. Un sourire fin étire ses lèvres et la douleur perd en intensité. Mais elle ne devrait pas. Je n'ai pas le droit d'être en paix...

— J'ai enfin compris vos intentions en nous faisant dormir dans la même chambre et je ne suis pas d'accord.

Juan, à mon plus grand étonnement, a pris le temps de m'expliquer. Les couples ou les coups d'un soir partagent leur lit. Il a ajouté que dans les deux cas, c'était dans le but de baiser -un nouveau mot que j'ai appris— soit par pur plaisir soit pour faire un enfant. Et si là est le but de Cassio, je veux vite le lui ôter de l'esprit.

Au-delà de chercher à comprendre les intentions du chef de cartel, Juan m'a aidé à me rendre compte qu'il y avait tant de choses qu'on m'avait dissimulé. Ava me faisait des cours chaque semaine sur la société et sur la médecine mais jamais elle n'a évoqué la manière dont on procréait, cela dit je n'ai jamais posé la question étant trop occupée par ma toxine.

J'en ai fini par conclure que le labo m'a gardé éloigné de tout ce qui aurait pu éveiller un désir allant à l'encontre des leurs ; ils ne me parlaient que rarement de couple et de famille et jamais de sexe et d'amour. Quelle ironie ! Ils ont tout fait pour qu'aucun désir de fuir naisse et me voilà loin d'eux, dans la chambre de leur ennemi !

— Je ne baiserai pas avec vous.

Il avance tout en fermant le porte. Il déboutonne sa chemise blanche décorée de taches sombres. Est-ce du sang ?

Juan m'a dit que les putas baisaient avec tout le monde pour de l'argent et qu'elles étaient des femmes sans honneur. Il m'a dit qu'une réelle femme ne baisait qu'avec son mari. Mais la patience de Juan a ses limites, alors quand il m'a envoyé paître, j'ai continué de m'informer auprès de Maria.

— Maria ? Est-ce que si je baise avec un homme que je n'aime pas, ça fait de moi une puta ?

Dès lors que je prononce ces paroles, ses joues virent au rouge. Était-ce à ce point-là un sujet tabou ?

— Baiser n'est pas un joli mot, tesoro. C'est Juan qui t'a dit ça ? N'écoute jamais les hommes d'ici quand ils parlent de femmes. Ils ne connaissent que les putas qui donnent une mauvaise image de nous.

— Est-ce mal d'être une puta ?

— Tu poses des questions comme une niña.

— De là où je viens, ils ne parlent jamais de ça. Je ne connais donc pas les critères et codes, ni ce que ça représente dans la vie d'une personne.

La vieille femme me contemple quelques instants avant que les rougeurs sur ses joues ne disparaissent. Elle hésite puis s'installe sur le tabouret face à moi.

— Je n'ai jamais eu d'enfants. Je rêvais d'avoir une fille mais Dieu ne m'a pas permis d'en avoir. Donc j'en conclue qu'il ne t'envoie pas ici par hasard. Et si je te considère comme mi hija, alors c'est à moi de m'occuper de ces sujets je suppose.

L'arme de la Mafia (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant