3. Foyer de fée et de kobold

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L'énorme dragon ronflait de tout son soûl. Curieuse, la petite fée s'approcha et manqua de se faire aspirer dans la bouche hérissée de crocs. Elle ne s'en inquiéta pas, elle avait l'habitude d'être avalée par des animaux. À peu près tout sur terre était plus gros qu'elle.

— Hé ! s'écria-t-elle en se cramponnant à une canine. Seigneur Dragon, réveillez-vous !

Le dragon poussa un grognement et la fée retint sa respiration de justesse avant d'être asphyxiée par l'haleine nauséabonde.

— Seigneur Dragon, ne voulez-vous pas que je récure vos dents ? Vous avez des pelures et des filets de viande coincés.

Sans attendre qu'il se réveille, elle se mit à tirer de toutes ses forces sur une matière organique non identifiée à la jonction de ses canines. Une queue en forme de faux balaya l'air et la fée fut emportée dans une rafale.

— Maudite mante obscure*, maugréa-t-il d'une voix ensommeillée.

— Je suis une fée pétale* ! s'insurgea-t-elle.

— Et moi je ne suis pas un dragon. Du moins, pas vraiment. Je suis un kobold.

Lily décela une étrange lueur dans ses pupilles. De la mélancolie ?

— Et comment que tu t'appelles ?

Le kobold soupira en se levant de sa paillasse.

— Circule, marmonna-t-il entre ses crocs.

— Enchantée , Circule !

Pris d'une impulsion incontrôlable, il remua les bras selon des gestes aléatoires.

— Stupide cervelle de gnome ! C'est Kifellorit ! Je m'appelle Ki-fel-lo-rit.

— Enchanté Kifel ! Moi, c'est Lily. Je suis une fée pétale !

— Oui, tu l'as déjà dit, grommela-t-il. Mais tu as plus l'air d'une amanite tue-mouche que d'un pétale.

— Mais non enfin, je suis une pétale halyzia sedecimguttata. Tu n'as pas l'air d'avoir les yeux en face des trous, Seigneur Kifel. Moi, je suis une observatrice, vois-tu ! J'ai vu la lumière de ta grotte à trois mètres, tu t'en rends compte ? On dirait que ça vient de ce cristal. C'est beau, ça brille. C'est à toi ?

Elle tournoya autour du joyau luminescent comme un moucheron devant une lanterne. Kifellorit la chassa d'un coup de queue.

— Va pomper le sang de quelqu'un d'autre, moustique, avant que je ne me décide à manger des insectes pour mon repas.

Sur ces paroles, il s'assit en tailleur et ferma les paupières. Lily reconnut que cette posture était la même que celle que prenait son ami, Termite. Il nommait ça médiation. Ou médisation, elle n'était pas certaine. Kifellorit ne l'aida pas à retrouver le terme, car il se barricada derrière un mur de silence, alors même qu'elle lui fournissait des conseils sur l'alimentation des insectes – ils ne devaient surtout pas se nourrir des cultures humaines sous peine d'être empoisonnés par les sorts toxiques. Mais elle ne s'offusqua pas de l'absence de réaction du kobold, car elle le savait concentré à noter scrupuleusement toutes ses directives.

Finalement, Kifellorit enchanta ses outils et commença à creuser.

— Qu'est-ce que tu fais ? s'enquit-elle en évitant un projectile de pierre.

— De l'art.

Lily tenta de lui exhorter plus d'informations, en vain. Elle s'amusa alors à éviter les météorites qui jaillissaient sous les coups de pioche du kobold. Ils jouèrent jusqu'à ce que la petite fée, ne tenant plus sur ses ailes, fut contrainte de retourner dans son nid.

Au cœur du donjonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant