12. Sauvetage de gobelin

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Samantha n'avait pas revu dame Ælys depuis qu'elle l'avait tiré du lynchage de la foule et ramené chez elle. Cela la contrariait, car, dans sa confusion, elle avait complètement oublié de la remercier.

Enfin, le plus important restait la bonne exécution de leur plan. Dame Ælys devait probablement demeurer chez elle afin de convaincre ses parents de céder les Cils de Grumbar à Kifellorit.

Au seigneur Kifellorit, se reprit-elle.

Ce n'était pas plus mal au vu des tensions envers Samantha et dame Ælys qui régnaient au sein de ville. Chaque fois qu'elle sortait, Samantha devait affronter les regards incendiaires, ignorer les insultes lancées à la volée et, régulièrement, se cacher pour pleurer. Son voile ne suffisait plus à la soustraire au procès public. Et elle ne pouvait même plus mettre de khôl à cause de toutes ces larmes qui débordaient sans crier gare.

Heureusement, la modification du rapport de Conrad l'accaparait trop pour qu'elle se préoccupe de ses malheurs. Elle devait penser au seigneur Kifellorit avant tout. Payer la dette qu'elle avait envers lui.

Les jours qui suivirent, Samantha reprit cinq fois sa lettre à l'adresse du maître de guilde, puis renonça à soigner la formulation pour le harceler de messages. C'est ainsi qu'elle vint à bout de l'administration et décrocha une convocation pour dame Ælys.

Dans une semaine.

Samantha se félicita de ses négociations. Rares étaient ceux qui pouvaient se vanter d'obtenir des délais si rapides. Forgeame ne se doutait pas à quel point ils la regretteraient, s'ils la licenciaient.

Ne restait plus qu'à en informer dame Ælys. Samantha souhaita communiquer la date du rendez-vous en face à face, discrètement, pour éviter que l'information ne fuite jusqu'à Conrad. Depuis qu'il s'était frayé un passage jusqu'à sa chambre pour lui voler la lettre de son preux chevalier kobold, elle le croyait capable du pire. Intercepter sa correspondance ou espionner les faits et gestes de la gobeline serait un jeu d'enfant, pour lui. Elle ne pouvait pas risquer de mettre en péril l'entretien. Ça serait probablement la seule chance donnée à dame Ælys d'être vue et entendue.

Samantha envoya donc un éclaireur au domaine des Feu-Foyer : un orphelin qui traînait dans les rues, invisible pour la plupart des gens. Elle le paya en confiseries et lui fit promettre de garder le secret sur sa mission.

L'enfant revint néanmoins sans avoir pu rencontrer un seul noble. La gobeline ne s'en alarma pas – la chance ne vous souriait pas deux fois d'affilée – et le renvoya le lendemain. Toujours injoignables. De même le surlendemain.

Samantha commença à s'inquiéter lorsque le héraut annonça un discours imminent des Feu-Foyer. Instantanément, artisans, marchands, acheteurs, tous les habitants des environs interrompirent leur travail pour se rassembler sur la place publique.

La guilde de Forgeame y trônait tel un temple. Aussi, Samantha n'eut qu'à sortir du bâtiment pour se faire avaler par la foule.

Encore.

Même si l'attention de la bête noire centipède était rivée ailleurs, Samantha se tétanisa de peur. Elle demeura plaquée contre les vantaux et jugea qu'elle n'avait pas besoin de s'approcher davantage.

Soudain, des cheveux rouges s'élevèrent au-dessus de la ligne d'horizon humaine, telle une aube de sang. Les elfes étaient de petite taille, mais montés sur l'estrade et elle sur le perron, Samantha reconnut les membres des Feu-Foyer. Le Baron et la Baronne, ainsi que la deuxième femme du baron et leur fils – un bâtard reconnu. Aucune trace de dame Ælys.

— Mes très chers sujets, commença le Baron. Soyez assurés que la noble maison des Feu-Foyer transmet leurs sincères condoléances et leur profonde sympathie aux proches des victimes. Rémi était peut-être sans famille, mais il était connu dans tout Flambourg pour son altruisme exemplaire. Léonie était aimée de tous. Leurs noms resteront gravés dans nos mémoires... et leur mort sera vengée. Des temps obscurs nous attendent, mes chers sujets, car nous sommes en guerre ! En guerre contre les créatures impitoyables qui hantent nos contrées, en guerre contre tout ce qui barre la route de la civilisation ! Mais je vais vous faire une promesse, chers sujets : jamais, non jamais, l'humanité ne revivra l'Âge des Monstres ! Nous unirons nos forces et, ensemble, nous continuerons de dompter la nature sauvage. En ce sens, je mettrais un point d'honneur à séparer le bon du mauvais grain. À l'instant où je vous parle, j'ai déjà mobilisé notre meilleur élément pour exécuter la première étape de cette grande épuration : notre aventurier le plus prometteur, Conrad le Brisame !

Au cœur du donjonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant