5. Aventure elfique

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Ælys soupira longuement. Ça allait être compliqué. Très compliqué. Oh, pas la quête à proprement parler, puisque le niveau néophyte était le plus bas de la pyramide. Non, la difficulté résiderait dans la cohabitation avec cette bande de bras cassés aux égos surdimensionnés.

— On peut faire une pause ? s'enquit Léonie. Ce sac à dos est vachement lourd et la pente me fatigue...

— Et moi j'ai froid, renchérit Rémi. J'irai bien me réchauffer dans une auberge.

— Non, répondit sèchement Ælys. On est parti il y a tout juste quinze minutes.

— C'est moi qui donne les ordres, ici ! rugit une voix derrière eux.

Elle provenait de Conrad, le meneur qui fermait la marche. Il dévisagea Léonie de la tête au pied, puis répliqua sur un ton tout aussi sec :

— Non, on vient juste de partir.

L'elfe fut partagée entre exaspération et soulagement. Conrad pouvait bien faire ses caprices, tant qu'il s'alignait à son avis, ils avaient une chance de rester en vie. Après tout, c'était elle la plus expérimentée.

— Stop ! s'écria Rémi. J'ai entendu quelque chose.

— Stop ! répéta Conrad comme si Rémi n'avait jamais pris la parole.

Il renifla l'air bruyamment, se lécha le doigt et le brandit dans le vent. Pendant un instant, on entendit plus que le murmure du vent glacé.

— Une meute de loups à quatre heures, déclara-t-il à mi-voix.

— C'est un sanglier... marmonna Ælys.

— Chut, tu n'y connais rien ! Tous en position.

Conrad et Rémi s'accroupirent pour se cacher derrière un buisson. Léonie les imita sans songer un seul instant que son sac à dos dépassait des feuillages. Soudain, elle glissa sur des graviers, culbuta et dévala la pente sur les fesses. Elle termina sa descente devant le sanglier, qui la chargea. Plus vive que l'éclair, Ælys lança son épée longue et la bête échoua aux pieds de Léonie.

Le sanglier ne respirait plus, tout comme les trois Tranche-Tarasques. L'elfe souffla pour eux. Finalement, le niveau néophyte serait une véritable épreuve. Elle pressentait qu'ils étaient capables de perdre un combat contre un tronc d'arbre.

Comme les Tranche-Tarasques venaient de se confronter à une créature hautement plus dangereuse qu'un végétal, ils se trouvèrent vidés d'énergie. Conrad annonça la halte et, le temps de sortir les cartes, les carnets, la vaisselle et les encas, il jugea que le soleil était trop bas pour repartir. Le meneur ordonna alors de monter le camp pour la nuit, quand bien même Flambourg scintillait sur la colline voisine.

Lorsqu'Ælys s'aperçut que Léonie avait emporté des denrées périssables en guise de provision, que Rémi avait oublié le nécessaire de premier secours et que Conrad ne savait pas faire un feu de camp, elle leur suggéra de rentrer à la cité, de se reposer dans un bon lit et, à défaut d'abandonner cette quête, de prendre un meilleur départ le lendemain. Immédiatement, elle fut fixée par trois paires d'yeux globuleux qui, visiblement, hésitaient à la considérer comme un traître ou comme un maraudeur éthéré*.

Ils optèrent pour le traître lorsqu'elle leur proposa de mener la quête seule, pendant qu'ils passaient du bon temps, tout en leur assurant qu'ils obtiendraient leur part de récompense.

Conrad se leva brusquement et posa les bras sur ses hanches, un air hautain plaqué sur la bouche :

— S'il y a quelqu'un qui n'a rien à faire ici, Ælys, c'est toi. D'abord parce que tu ne fais pas vraiment partie des Tranches-Tarasques, mais surtout parce que tu n'as pas le sang des vrais aventuriers. Et oui, je suis au courant pour ton petit secret. Mon formidable sens de l'observation et ma vivacité d'esprit ont tout de suite reconnu en toi l'héritière du baron de Feu-Foyer.

Au cœur du donjonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant