16. Confessions elfiques

13 2 0
                                    

Ælys devait reconnaître qu'elle s'amusait bien.

Juchée sur le poney de Samantha, Lépiota avait perdu de sa superbe. Son insupportable sourire satisfait, indélébile, la parait de ridicule. Elle menait la marche dans l'ombre du cheval de trait d'Ælys, avec autant de sérieux qu'un enfant roi.

Néanmoins, Ælys ne baissait pas sa garde. Les menaces adoptaient souvent des formes inoffensives pour passer les remparts dressés par leurs proies. Et Kifellorit, bien qu'il ne l'admettrait pour rien au monde, était pris en chasse par nombre de ces prédateurs. Le cœur du donjon avait été attaqué la veille par un Rampant. Aujourd'hui, c'était celui du kobold qui était visé.

Kifellorit ne l'approuvait pas, mais pour son bien, pour faire son devoir, Ælys devait tester Lépiota. Elle devait se méfier d'elle, lui soutirer ses motivations les plus profondes et dompter la bête sauvage qu'elle entrevoyait derrière son air réservé.

La soif de sang était une caractéristique propre aux elfes noirs. Et le fait que celle-ci possède huit pattes et huit yeux ne la dédouanait pas. C'était même tout le contraire : Lépiota semblait pire qu'une elfe noire.

Ælys paria que Lépiota ne resterait pas longtemps timide si elle se sentait à l'aise. Et quand elle se dévoilerait telle qu'elle était, quand plus personne ne pourra nier le monstre en elle, Ælys serait prête à l'arrêter.

Pour accélérer le processus, l'elfe des étoiles se décida à engager la conversation :

— Tu refuses toujours de me dire où nous allons ?

— C'est parce que c'est une surprise ! intervint une petite voix criarde.

Le chapeau amanite de Lily avait surgi d'une escarcelle.

— Retourne t'occuper de tes charançons, gronda Ælys.

— Va empoisonner quelqu'un d'autre, vociféra Lépiota en même temps.

Lily disparut aussitôt, sans demander son reste. Les charançons qu'elle avait empoisonnés en voulant les soigner attendaient de nouveaux soins de sa part.

— Si je te révélais notre destination, reprit Lépiota, tu n'aurais plus besoin de moi et tu me jetterais comme une vieille conquête.

Ælys fit mine de réfléchir uniquement pour les apparences. Sa réponse était déjà faite :

— Il est vrai.

— Oui, il est vrai, et c'est bien le problème ! se révolta Lépiota en relevant le menton. C'est le maître qui prend les décisions, pas toi. Et il a tranché en ma faveur il y a longtemps, quand tu n'étais pas là pour lui donner ton avis.

Ælys se fit violence pour ignorer le reproche. L'issue du combat consistait à mettre à jour les intentions de Lépiota, pas à avoir le dernier mot. Du moins, pour celui-ci.

— Pourquoi es-tu ici, Lépiota ?

— Parce que le maître me l'a demandé.

— Non, la vraie raison.

— Parce que nous sommes une bande d'amis trop gentils !

— Lily ! s'écrièrent en chœur Ælys et Lépiota.

La fée s'effaça de nouveau, préméditant les remontrances. Ælys soupira. À cause de Lily, Lépiota avait pu éviter la question. Si elle ne savait pas la fée si naïve, elle aurait pu croire qu'elle avait fait exprès pour tirer d'affaire son arachnéa. Mais Ælys ne se laisserait pas abattre si facilement. Elle revint à la charge :

— Alors ?

— Alors quoi ?

— Pourquoi as-tu changé d'allégeance ?

Au cœur du donjonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant