15. Discorde féérique

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Lily se boucha les oreilles de toutes ses forces. Depuis que Lépiota s'était mise à parler de son passé avec le seigneur Kifel et Ælys, le volume sonore de la pièce avait augmenté jusqu'à devenir insupportable.

— Comment est-on censé lui faire confiance alors qu'elle travaille pour l'ennemi ? rugissait Ælys.

— Travaillait ! rectifia le seigneur sur le même ton. Si elle avait voulu nous tuer, elle l'aurait déjà fait depuis longtemps.

Lépiota s'était changée en araignée et se recroquevillait dans un coin du plafond, priant pour disparaître. Tout comme Lily. Mais ce que la fée détestait plus que les disputes, c'était le sentiment éperdu que trahissait la figure arachnéenne. Lépiota se sentait très mal à l'aise, et ces deux bêtas ne le voyaient même pas...

— Elle suit peut-être un plan sournois, insista Ælys sans un regard pour l'intéressée.

Le seigneur Kifel leva les bras, ahuri par cette accusation.

— Ah oui ? Un plan qui consiste à tuer un membre des Rampants tel que Conrad pour nous sauver d'un ravageur ?

— Peut-être bien. Elle a dit elle-même que les Rampants sont des manipulateurs. Et elle est une mercenaire. Une tueuse à gages. Une arme sans âme !

— Arrêtez, cria Lily, qui ne pouvait encaisser toutes ces horreurs.

Mais personne ne l'entendit. Ou bien on l'ignora.

Dans le regard d'Ælys, une glace hostile avait cristallisé toute bienveillance en un millier d'épines acérées qui transperçaient Kifel. Les poings de ce dernier se contractèrent si fort que les écailles de ses jointures menacèrent de se briser. Et sa voix gronda, pareille à l'orage lointain :

— Lépiota n'est pas un monstre...

— Comment tu peux en être sûr, alors que tu as dépensé moins d'énergie pour la jauger que pour la reluquer ?

— Le sens de tes mots me dépasse, grinça-t-il. Tu me compares à ces humains débauchés ?

— Ouvre les yeux, Kifellorit ! Lépiota s'est appliquée à te cacher ses véritables capacités pendant des mois. C'est une séductrice vénéneuse, une elfe noire, une succube, bon sang ! Elle t'a hypnotisé pour jouer avec toi, et lorsqu'elle se sera lassée, elle versera une dose de poison dans ton eau pour en finir.

Lily crut que le maître devenait rouge de colère et que la marque sur son torse avait retrouvé l'éclat sanguin d'autrefois. Sa voix, sourde, amère, consumée par le mépris qui brûlait en lui, était pire qu'un rugissement.

— Si tu n'apprécies pas les gens que je prends sous mon aile, tu n'as qu'à retourner à ta vie d'aventurière. Ainsi, nous nous reverrons lorsque tu auras pour mission de tuer des arachnéas et des kobolds.

— Tu me chasses ? tempêta l'elfe des étoiles. Très bien, j'ai compris. Adieu.

Lily et le seigneur Kifel se décomposèrent.

— Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire ! Attends, Ælys !

Mais trop tard. L'elfe avait déjà fait volte-face et disparaissait dans un tunnel.

C'en était trop. Lily fondit en larmes. Des pattes fuselées s'enroulèrent autour d'elle, lui offrant une cage protectrice. Lépiota consolait Lily, mais c'était elle qui venait de se faire insulter à tour de bras ! Et elle ne disait rien, ne se défendait pas. C'était injuste. Ælys avait été méchante, elle qui était si gentille, d'habitude. Hurthy l'adorait, il aurait le cœur brisé. Celui de Lily, déchiré, saignait de sanglots.

Au cœur du donjonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant