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- Je me rappelle qu'il faisait chaud. On transpirait tous, comme j'ai jamais transpiré.

Alors qu'elle prononçait ses mots, elle dut lutter contre une impression de perdre pied face à des visions du passé, et fronça les sourcils.

- Tout va bien. Vous n'êtes pas là bas, mais ici, dans notre salle, rassura l'homme qui les écoutait tour à tour, Sam Wilson.
- Bon sang, je comprends pas pourquoi tu nous vouvoies, on se voit pleurer, répliqua un des hommes qui essuyait ses larmes.

Wilson lui adressa un sourire, avant de se tourner vers la jeune femme, qui gardait ses yeux rivés sur le sol.

- Continuez, l'invita t il, mais elle garda le silence. C'est la première fois que vous en parlez ?
- La deuxième, corrigea t elle.
- Bien, comment vous sentez vous alors ?
- Très mal, sourit elle, en plaçant ses cheveux derrière son oreille.
- Vous...
- Tutoie moi, s'il te plaît, murmura t elle, récoltant une expression ravie de l'homme qui s'était plaint du même sujet auparavant.

Wilson eut un léger rictus, puis se pencha vers la femme.

- Tu peux continuer, alors ?

Elle hocha la tête, le regard fuyant.

- Ils nous ont tendu une embuscade, et on est resté bloqué jusqu'au lendemain matin. J'ai vraiment besoin de dire à quel point ça a été le pire moment ? C'était long, on avait faim, soif, on ne pouvait pas bouger et les balles fusaient.

Elle essuya ses mains trempées de sueur sur son jean, en se mordillant les lèvres, puis soupira.

- Ma meilleure amie est morte. Je saurais même pas dire comment. Je sais juste que son sang a giclé sur moi.
- T'es hyper courageuse. Perso' j'ai pas pu en parler avant des années, intervint une autre femme.

Elle haussa les épaules, avant de tourner vers un des autres qui était nouveau aussi dans ce groupe de parole.

- À toi, murmura t elle, avec un rictus sans vie.
- Tu n'as rien à ajouter ? s'inquiéta t il

La femme secoua négativement la tête, en lui adressant un signe du menton pour lui indiquer que c'était à son tour. Son camarade commença à parler, et elle détourna son attention de lui : cette dernière était plutôt concernée par la description de la pièce. La décoration était faite en sorte d'être accueillante, chaleureuse, et cela marchait plutôt bien. Les chaises sur lesquelles tous étaient assis étaient placés en cercle, de manière à ce que personne ne puisse se cacher. Elle voyait que certains avaient les larmes aux yeux, et d'autres observaient avec crainte le nouveau parler.

Elle ne remarqua pas, en premier abord, qu'elle était regardée : lorsqu'elle s'en rendit compte, elle détourna les yeux avec frayeur. Wilson avait son regard rivé sur elle, partagé entre l'émotion qu'il ressentait habituellement -un mélange malin entre de l'empathie et de la tristesse-, et une attirance profonde, qui n'avait pas sa place dans cette pièce. Ici, entre ses murs, on devait trouver seulement de l'écoute, rien de plus. Avec empressement, il se détourna d'elle, et écouta alors l'autre nouveau.

Alors que les confessions se poursuivaient, tous les membres du groupe entendaient des échos de leur propre histoire dans celle d'autrui, et pleuraient. En sortant de la pièce, Betty ne se sentait pas plus heureuse, mais soulagée, parce qu'elle avait enfin saisit que ce terrible sentiment qui la contaminait était normal, et même partagé.

- Hey, Betty. Tu as un téléphone ? l'interrogea une autre femme, blonde.

Elle lui lança un regard interloqué, avant d'avaler sa salive en vitesse.

- Eh bien, oui, mais comme tout le monde.
- Je pense que ce qu'elle voulait dire c'était tu peux me donner ton numéro, éclaircit un des hommes dont elle n'avait pas retenu le prénom.

La femme se tourna vers la blonde, les yeux papillonnants, et bafouilla.

- Eh beh. Je te demande juste ton numéro, je te drague pas, pouffa son interlocutrice.
- Je sais ! protesta Betty, les joues cramoisies.

Elle lui écrivit son numéro de téléphone sur le morceau de papier, et l'observa le noter dans son répertoire.

- Voilà, conclut la blonde. Tu te souviens de mon prénom ?
- Hum.
- Je vois. Jane, se présenta t elle avec un rictus.
- Betty, répondit la femme sur le même ton.
- Super, se réjouit un prénomme Tom. Tu es dans notre groupe. Bon à plus, Sam !

Ainsi, la plupart des personnes s'en allèrent, laissant le nouveau et Betty avec Sam. D'un geste de la main, elle convia l'homme à passer avant elle, et attrapa son téléphone, en trouvant des notifications de la part de son frère, qui espérait une réponse. Quand le nouveau passa devant elle, il lui tapa légèrement l'épaule.

- À toi, sourit il d'un air complice.

Elle hocha la tête, et s'avança, trouvant le fameux Sam avec un papier dans les mains.

- Vous comptez revenir ? demanda t il, avec un rictus poli.
- Tu, le corrigea t elle, joueuse, malgré les raisons qui l'avaient poussées à être là.
- Oui, tu.

Betty parcourut la table du regard, à la recherche de ce qui pourrait être un stylo et un papier d'inscription, et trouva finalement le tout dans les mains de Sam.

- Je peux ? s'enquit elle, les doigts pincés autour de la feuille.

Il exprima son accord avec sa tête, en ayant un sourire. Elle remplit la feuille, appuyée sur la table, avant de la tendre à Wilson.

- Tiens.
- Merci. Les rendez vous ont lieu toutes les semaines ici, à la même heure. Si tu as besoin de parler, tu peux m'appeler, ou venir ici.
- Je n'ai pas ton numéro, signala t elle.
- Je l'ai, moi, rétorqua l'homme.
- Rassurant, murmura Betty.

Le rire de Sam se noya dans sa gorge, alors qu'il l'examinait avec plus d'attention : ses cheveux bruns étaient assez longs pour être liés dans un chignon, et ses yeux lui paraissaient presque verts, malgré le marron qui régnait, ce qui contrastait avec sa peau métisse. Ses lèvres n'étaient pas particulièrement pulpeuses, au contraire, elles étaient même presque fines : cependant, peu lui importait leur taille, il rêvait d'envie de plaquer sa bouche dessus.

- Je vais rentrer, annonça la femme.

Elle posait un regard attentif sur lui, et il trouvait cela vraiment agréable.

- Super, répondit il, le souffle coupé. A la semaine prochaine.
- Oui.

Elle se recula, en lui faisant "au revoir" de la main, et il ne put détacher son regard d'elle.

BRISE LE LIEN [Bucky Barnes] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant