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D é c e m b r e  2 0 1 7
D A N S  U N  C O I N  P E R D U

Janice salua une dernière fois son amie, alors qu'elle installait à l'arrière de sa voiture son enfant, et monta à sa place. Elle démarra doucement, avec un sourire au bord des lèvres, puis murmura tout bas à l'enfant qui était dans son ventre qu'elle l'aimait. Elle avait passé une soirée amusante avec Émilie, son amie, qui l'avait laissée partir, non sans regret. Mais son mari, Éric, manquait cruellement à Janice, alors elle voulait rentrer. Le couple était très fusionnel, et c'est cela qui faisait que dès qu'ils se séparaient, ils ne tenaient pas plus de deux heures loin l'un de l'autre. Janice écrivit un message à son mari «Chéri, je pars. Je serai là d'ici dix minutes. Je t'aime», puis commença à prendre la route.

Elle roula durant de longues minutes, le regard lointain et posé sur cette route qu'elle connaissait par cœur. Janice avait beau savoir tous les virages, tous les cailloux du chemin, elle fut surprise de voir une autre voiture arriver en face. A cette heure là, il y avait habituellement personne. Janice eut une moue perplexe, mais la voiture continuait de s'approcher, malgré l'éloignement constant de l'automobile de Janice.

Elle vit la voiture tourner dans l'autre sens, à son opposé, et souffla en réalisant qu'elle avait évité de peu un grand accident. Mais ce ne fut pas le cas de la voiture en face, qui se prit un tronc d'arbre. Le grand bruit la fit s'arrêter, et Janice attrapa son téléphone, pour appeler les secours.

Betty se souvenait parfaitement de la semaine d'avant son départ avec Inez. La jeune femme n'avait jamais comprit pourquoi ses amis avaient toujours cru à ses mensonges. Mais cela lui allait : leurs lèvres qui se rencontraient quand elles le voulaient, leurs doigts qui leur donnaient tant de plaisir, et leur désir qui transpirait de chaque pore de leurs peaux, tout était secret. Cela faisait tant d'année que l'amour les guidait atrocement, qu'elles s'interdisaient d'être en couple pour ne pas perdre l'autre. Betty avait conscience qu'être la jeune femme bisexuelle militaire n'allait pas jouer en sa faveur auprès de ses parents, qui considéraient déjà qu'Alex, le «pauvre gay de la famille qui portait du rose», était un enfant perdu. Alors Betty n'avait rien dit, elle avait conservé secrète leur relation, même pour Alex. Inez avait toujours cette manière de jouer avec Betty, qui la rendait folle, et personne ne pouvait l'égaler.

- Un jour, je t'épouserai, et tu seras qu'à moi, lui avait promit Inez, alors qu'elle caressait les cheveux lisses de Betty.
- J'attends de voir.
- Tu verras. Peut être même que je te ferai l'amour comme ça devant tout le monde. On verra si ça les choque, ces connards.

Betty l'avait regardé avec malice, et lui avait conseillé de lui montrer, tout de suite, maintenant, comment elle ferait ce jour là.

Mais Inez ne l'avait jamais épousé, et Betty avait simplement prit la bague de son amante, espérant que cela guérirait cette promesse non assouvie. Cela n'avait pas marché, mais elle ne quittait jamais sa bague.

Voilà à quoi pensait Betty ce jeudi matin, à minuit passé, alors qu'elle pleurait doucement en buvant, ses doigts glissant sur le volant de sa voiture.

* * *

Lorsque Betty ouvrit les yeux, elle ne sentait plus ses jambes. En se souvenant des dernières visions qui l'hantaient, elle écarquilla les yeux en réalisant où elle était. Elle essaya de bouger, mais seuls ses orteils et le haut de son corps étaient en mouvement.

Elle commença à pleurer doucement, les sourcils froncés, et elle attendit longtemps. La jeune femme se mordit les lèvres, cherchant une douleur rassurante, puis elle vit arriver un docteur, accompagné de plusieurs infirmières. Il lui parla, elle répondit, bougea les orteils pour lui montrer que son corps n'était pas entièrement paralysée. Ce qu'elle retînt était que, par sa propre faute, elle avait des lésions de la colonne vertébrale.

- Qu'est ce que j'ai fais ? demanda t elle, la voix basse, les yeux clos
- Dormez. On vous expliquera plus tard.

Le plus tard ne vint jamais.

Quand elle rouvrit les yeux, Sam était là, accompagné de Sarah et d'Alex.

- Betty, murmura son frère en lui offrant un sourire rassurant.

Elle voyait qu'ils se retenaient de montrer un mélange de tristesse et de colère, mais ne leur en tint pas rigueur.

- Vous allez bien ? interrogea t elle, avec un rictus
- C'est plutôt à toi qu'on devrait poser la question, protesta Sarah, en caressant ses cheveux

Betty leva les yeux vers Sam, et put voir dans son regard qu'il était plus qu'inquiet.

- On vous a dit quoi ? demanda la jeune femme, d'un ton léger
- Tu peux remarcher, si tu t'entraînes assez dur.
- On vous a dit ce qu'il s'est passé ?
- Tu es rentrée dans un arbre. C'est une femme qui a appelé les secours. Elle a déclaré que tu avais failli la tuer.
- Elle va bien ?
- Je ne sais pas, murmura Alex, d'un ton doux.

Un silence accueillit sa déclaration, et elle tourna les yeux vers la fenêtre. Ils s'attendaient tous à la voir pleurer, mais elle n'en fit rien, le regard lointain, sans savoir que quelque chose en elle s'était plus que brisé.

- Vous pouvez sortir ? les interrogea Betty, en pinçant les doigts, coinçant le drap entre ceux ci
- Bien sûr, répondit son frère, en quittant la pièce, bientôt suivi de Sarah.

Mais demeurait Sam, qui semblait sûrement penser pouvoir passer outre sa demande.

- Je veux que tu partes aussi, Sam.
- J'ai envie de rester. Tu ne devrais pas être seule.

La jeune femme baissa le regard, plissa les sourcils et se mordilla les lèvres.

- J'ai envie d'être seule. Pars, s'il te plaît.
- D'accord. Je peux revenir quand ?
- Dans quelques heures, je sais pas.
- Je t'aime, tu le sais ?

Betty pivota la tête, sentant les larmes lui monter aux yeux, puis Sam quitta la pièce, et ce dans le plus grand des silences.

BRISE LE LIEN [Bucky Barnes] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant