Dᴀʀᴋ Bʟᴏᴏᴅ ¹ | 𝗘𝗡𝗛𝗬𝗣𝗘𝗡

Chapitre 17

La déesse était énervée de ne pas avoir pu tuer l'un de ces humains. Son plaisir avait été salement gâché. Elle s'assit sur son lit drapé de rouge, réfléchissant à un coup du sort bien rodé pour obtenir ce qu'elle désirait. Et elle l'obtiendrait.

Ses vœux les plus profonds étaient exaucés, tous sans exception. Il fallait simplement ruser un petit peu. Et laisser le temps faire les choses. Ce dernier, même sous son contrôle, ne pouvait tenter de se rebeller. Pour compenser son manque, elle alla s'installer à sa rambarde favorite. Celle qui lui faisait ressembler à une version altérée de Raiponce. Sa tour était remplacée par son lieu de vie rocailleux surplombant celui de ses recrues, ses longs cheveux dorés s'étaient changés en un sublime noir de jais flottant dans un air absent. Et le plus important, Alytheris offrait à ses yeux une vue imprenable sur la musculature dénudée des jeunes hommes au lieu d'attendre une belle-mère illusoire rentrant de sa cueillette quotidienne ; un plaisir qu'elle s'accordait lorsque son humeur avait été mise à mal. Le nombre d'heures passées à les admirer n'était pas une donnée à considérer.

Ses yeux glissaient sur leur carrure, capturant chaque parcelle de leur corps dans leur mémoire. Se délectant de sa vision séraphique, elle évaluait le potentiel de satisfaction qu'elle obtiendrait de chaque garçon lorsque l'un d'eux gagnera. Elle ne put s'empêcher d'envoyer à leur subconscient une chimère licencieuse de la belle déesse qu'elle était. Elle constata avec amusement qu'il en fallait peu pour exciter les six hommes. La courbe parfaite que formait leur morphologie était maintenant déformée, et ils étaient tous embarrassés de remarquer qu'aucun n'avait été épargné par ce coup du sort. Un hasard prescrit par la gardienne des lieux.

Même sous leur gêne, Alytheris continuait de les observer mener leur vie. L'eau qui perlait sur leur corps avait le don de les rendre infiniment plus attirants. Des fantasmes fusaient dans l'esprit de la déesse, mais seule une infime partie pourrait être réalisée. Elle s'impatientait de découvrir le vainqueur de ses défis, chose qui ne s'était pas produite depuis bien longtemps. Des épreuves trop difficiles agrémentées d'un peu de folie avaient contribuées à la mort de tous les participants. Mais cette fois, ses espoirs étaient placés sur trois des six garçons restants. Le caractère de Jay la complétait bien, et le physique attrayant de Sunghoon lui plaisait beaucoup. Mais ce Lee Heeseung était un mix des deux, réussissant sans le savoir à la mettre dans tous ses états. Elle chérirait chacun des trois et comptait sur eux pour remporter la victoire. Mais le pacte était clair, seul le gagnant, qui que ce fut, avait le droit d'entamer une nouvelle vie. Et elle ne pouvait que se contraindre à ses propres règles. Car il fallait bien avouer que le victorieux cocherait toutes les cases sur sa liste de critères qui lui plaisaient chez un homme.

Et sous son admiration complète, elle sentit un violent mal de crâne infliger un tas de peines à ce qui lui permettait de fantasmer. Elle se retint à la rambarde avant de souffler rapidement. Elle tourna le dos à ses sujets pour chercher ce portail argenté qui l'emmènerait dans un Enfer illuminé. L'appel de son père ne pouvait être ignoré, et elle le savait très bien. Elle s'introduisit dans ce cercle divin et monta instantanément vers les cieux. Croisant quelques semblables de son frère pendant son ascension, elle remarquait bien le regard qu'ils lui portaient. Méprisant et rempli de jugements. Il n'avait pas changé depuis la nuit des temps. Mais elle s'en fichait pas mal. De tout ce qui existait dans ce monde, elle en était son parfait contraire. Un contraste évident entre la pureté du Paradis et la bassesse de l'Enfer.

Elle arriva devant le lieu qu'elle détestait le plus, son lieu de naissance, mais aussi la maison qui l'avait vu grandir et devenir celle qu'elle était devenue. Une maison digne d'une ville pour une personne telle que Dieu en personne. Elle s'apprêtait à frapper à la grande porte lorsque celle-ci s'ouvrit pour la laisser entrer. Elle traversa l'immense salon blanchâtre et se dirigea vers le bureau de son père, non loin de là. Elle toqua et s'assura d'obtenir une réponse avant de pénétrer dans la pièce et de s'asseoir sur les chaises drapées de la seule couleur existante dans la demeure.

— Bonjour Père.

— Je t'attendais Alytheris...

Son père avait adopté un ton plus que sérieux, ce qui laissait présager un débat de longue haleine pour la jeune femme. Mais il fallut s'en douter, Dieu n'accordait d'entrevue à ses enfants qu'en cas d'extrême urgence ou de non-respect des règles.

— Je peux peut-être t'aider ?

— Ton frère est venu me conter un fait que je n'ai guère apprécié. Je suppose que tu t'y attendais, mon enfant.

— Cette sale vipère ne sait pas tenir sa langue dans ce qui lui sert de bouche..!

— Tu n'as qu'à aller lui répéter tes dires lorsque vous serez confrontés à vos péchés. Je ne t'ai pas fait venir ici pour discutailler de propos inutiles. As-tu recommencé, ma fille ?

— Cela fait partie de ma vie privée, je fais ce que bon me semble.

— Pas lorsqu'il s'agit d'offrir des sessions de torture aux âmes égarées qui traversent l'Enfer...

— C'est mon problème, je ne vois pas en quoi ça te concerne, Papa !?

— Il me semble, Alytheris, que je suis Dieu ; je surveille donc aussi bien le Paradis que l'Enfer ! Et tu devrais le savoir pour quelqu'un qui se prétend fille de Dieu !

— Oh, excuse-moi de ne pas être la Mademoiselle-l'Ange-Déchu-Parfaite que tu espérais tant !

— Voilà bien pourquoi tu n'es plus parmi les anges, Alytheris...

— Il n'empêche que je reste la gardienne de l'Enfer, et c'est mon rôle de faire souffrir chaque nouvel arrivant jusqu'à la fin des temps.

— Leur faire revivre leurs péchés en continu est déjà une assez grande peine à mon goût. Il faut cesser tes enfantillages et enfin devenir la femme que tu devrais être depuis bien longtemps maintenant.

— Je suis vouée à te décevoir, Papa. Je terminerai ce que j'ai entamé, que tu le veuilles ou non.

— Que je ne t'y reprenne plus, Alytheris. La prochaine fois aura de plus graves conséquences qu'un simple avertissement de ma part.

— Je m'attendais à plus de clémence de la part de Dieu, celui pour qui tout le monde prie nuit et jour alors qu'il n'en a que faire de leur maigre existence.

— Mesure tes propos, jeune fille !

— Je sais parfaitement ce que je dis, Père.

La jeune fille maintenait un sourire narquois au coin de ses lèvres tandis que son paternel contenait ses nerfs pour ne pas exploser et contribuer à l'augmentation des dégâts que possédait déjà la galaxie. Il ne put que soupirer un léger instant avant de regarder sa fille dans les yeux.

— Ce n'est pas comme cela que tu trouveras l'Amour, et tu le sais bien...

— Qu'est-ce que tu y connais à l'Amour toi, hein ?