La Traîtresse (7)

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Un silence doux, agréable, régnait sur le petit kiosque qui avait été construit à quelques pas de l'arbre favori de l'Impératrice. Le bruisssement des feuilles qui jaunissaient la berçait tandis qu'elle dévorait les pages d'une chronique qui narrait les origines des guerres entre Avalaën et Wikandil. La plume de l'auteur, froide et factuelle, manquait cruellement de fluidité, mais c'était la seule œuvre qui traitait de la période qu'elle cherchait, et elle avait passé des heures dans la bibliothèque du palais, avec pour seule compagnie les libraires taciturnes, pour la trouver. Aussi, entièrement focalisée sur un passage qui racontait l'une des premières apparitions – du moins, l'une des premières apparitions rapportées – des sorcières sur les champs de bataille, elle ne vit pas les deux silhouettes qui s'approchaient à pas lents.

— Bonjour princesse !

Elle redressa la tête brusquement, tirée de sa concentration par l'exclamation narquoise, mais surtout indubitablement wiccane, qui avait résonné fort dans le jardin vide. Un sourire fleurit sur ses lèvres, elle se leva.

— Leith !

Les courtisans ayant déserté cette aire des jardins depuis qu'elle était devenue l'Impératrice Maudite, la traîtresse qui avait ramené l'Usurpatrice au palais, il n'y avait aucun regard posé sur elle à l'exception de ceux de sa petite escorte. Aussi étreignit-elle son vieil ami de toute ses forces, comme ils le faisaient à Wikandil des saisons auparavant, tirant des sourires nostalgiques aux soldats présents.

— C'est Impératrice, maintenant. Aveltia Sen pour toi, ajouta-t-elle, forçant volontairement pour se donner un faux accent wiccan en prononçant les termes en avalarë.

— Oh, pardon Votre Grâce ! s'exclama Leith en s'agenouillant brusquement. Je me confonds en excuses devant Votre Grandeur. Puisse Son Altesse Impériale être magnanime malgré mon impudence.

Ils échangèrent un bref regard, qu'ils voulaient tous les deux aussi sérieux que possible, puis ils éclatèrent de rire, incapables de s'en retenir davantage. Elle l'invita à s'asseoir à côté d'elle, remercia Mayeri d'un hochement de tête, et la sorcière prit ses distances, rejoignant l'escorte à quelques pas de là.

— C'est moi ou il y a eu quelques changements depuis que je t'ai vue la dernière fois, Cassandra Sen ?

Malgré l'effronterie et le ton moqueur, il y avait une indubitable pointe de sérieux dans la question. Ses yeux avaient esquissé un lent aller-retour entre la tête et les pieds de Cassandra, glissant le long de ses épaules, de son ventre sensiblement arrondi, de la robe qu'il n'était pas habitué à la voir porter. Lorsqu'il croisa à nouveau le regard violet de son amie, son expression était empreinte d'un doute incongru.

— Beaucoup de choses ont changé, admit-elle. C'est aussi pour ça que je t'ai fait rappeler.

— Je me disais bien que c'était imprévu...

Elle lui offrit un sourire penaud.

— Désolée, je t'ai éloigné de tes champs de bataille et de tes...

— Cassandra.

Leith lui saisit les mains, doucement, fermement, et elle s'abandonna au contact familier avec soulagement. Elle réalisait seulement, maintenant qu'il était là, combien il lui avait manqué. La sensation s'était estompée après son arrivée à Avalaën, au fur et à mesure que les lunes passaient et qu'elle s'acclimatait à son nouvel environnement, mais elle ne s'était jamais totalement résorbée, comme une vieille blessure qui refusait de guérir. Sa présence, aujourd'hui, lui donnait la sensation d'avoir rouvert la plaie pour enfin appliquer le baume adéquat.

— Tu sais que tu n'avais qu'à m'appeler. J'aurais déserté s'il le fallait pour venir t'aider.

Il le disait avec une conviction qui, un instant, la fit frémir, mais elle s'obligea à sourire.

Dynasties / CassandraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant