L'Usurpatrice (9)

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La tempête se leva sous la forme d'un souffle de vent léger, d'un simple message. Elle prit de l'intensité dans le flux de courtisans qui envahissaient le grand hall des audiences, et le premier grondement se manifesta lorsque le Duc franchit à son tour les larges portes de la salle. Oh, ce n'était qu'un coup de tonnerre pour le moment, mais Cassandra avait vu la menace venir. Avec Esirath, ils avaient passé la moitié de la nuit à deviser, et elle en tombait encore de fatigue, mais la conscience aiguë de la menace qui pesait la maintenait éveillée. Quant à son général et amant, il ne le vivait guère mieux, mais il était debout à sa droite, stoïque malgré les murmures et les rumeurs qui volaient à vive allure dans la foule. Zaël de Boval, père de Weiran et conseiller de l'Empire, s'était planté devant le trône, la tête relevée en signe de défi, les yeux braqués dans ceux de sa souveraine. Il ne portait aucune arme, mais sa simple présence induisait le danger.

Drapée dans sa solitude et son arrogance factice, Cassandra eut soudain une pensée fugace, aussi brève que surprenante. Mère avait-elle réellement été aussi assurée qu'elle le prétendait, ou avait-elle toujours porté un masque ? Elle dut sciemment s'empêcher de laisser son esprit dériver sur la question, et se força à rester focalisée sur le moment présent.

— Tu as demandé audience, Damoj Sen. Que se passe-t-il ?

Elle le savait bien, mais l'une des premières leçons qu'elle avait apprises avec Laëtitia avait été de ne jamais laisser son adversaire choisir l'angle d'attaque. Et, de par sa position, elle pouvait – et devait – prendre les devants.

Même si elle avait peur.

Elle avait trop sacrifié pour ce trône. Sa mère, sa fille, son époux. Elle pouvait peut-être encore rattraper ceux qui l'avaient fuie, mais elle ne pourrait jamais récupérer cette part d'elle-même qu'elle avait laissée dans les complots. Elle ne pourrait pas retrouver l'enfance qu'elle avait abandonnée à Esirath, même si c'était par choix.

— Mon Impératrice me saura-t-elle gré de parler librement ? interrogea-t-il en retour.

Elle pinça les lèvres, essaya d'évaluer la salle d'un regard. Il y avait trop de chuchotements, trop de racontars. Elle ne pourrait pas éluder la question. Mais si Zaël se montrait trop offensant, elle pourrait toujours exiger à ce que l'audience soit réduite à un cercle plus privé. Cependant, d'un autre côté, s'isoler maintenant signifiait le début des problèmes.

Aussi le considéra-t-elle avec un calme apparent et étudié, tandis que la foule commençait à murmurer, nerveuse. Plus d'une fois, elle entendit courir le nom de sa mère, et elle se demanda un moment comment cette dernière aurait géré une crise de ce genre. Mais elle n'aurait pas eu à gérer une telle crise, car elle ne se serait pas exposée au pouvoir directement. Le trône est mortel, avait-elle dit lorsqu'elle lui avait présenté les différents souverains, presque tous morts dans des conditions violentes ou suspectes.

Sa mère l'avait sciemment placée sur le trône, là où elle attirait les regards, tandis qu'elle-même œuvrait dans l'ombre.

Elle disparue, il fallait que Cassandra trouve un moyen de faire les deux, ou bien de ramener l'ombre à la lumière sans que le peuple n'en soit choqué.

Et elle ne voyait pas comment faire, pour le moment.

— Parle et je t'écouterai, Zaël Sen.

Un fin pli froissa le front du duc, et Cassandra se permit un mince sourire. Elle ne lui avait pas dit qu'il pouvait parler comme il voulait, seulement que, quoi qu'il dise, elle l'écouterait.

— Je viens remettre en question l'autorité croissante du général Esirath dans la politique de l'Empire, amorça-t-il finalement, ayant trouvé son angle. Je comprends, Mon Impératrice, que tu souhaites te protéger, je l'entends. Mais que tu lui laisses un soldat wiccan...

Dynasties / CassandraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant