L'Usurpatrice (10)

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Immédiatement, la salle d'audience qui s'était tue se remit à bruire de rumeurs et de débats, et Cassandra fut assaillie de toutes parts par les ministres. Comme une nuée d'abeilles furieuses, ils entourèrent le trône en bourdonnant chacun de leur propre commentaire sur la question, certains pour défendre sa position, d'autres pour indiquer plus ou moins délicatement qu'ils étaient d'accord avec certains points que le duc avait énoncés. Elle dut leur prêter une oreille attentive, et ne remarqua pas au départ qu'Esirath cherchait à lui faire passer un message. Quand, finalement, elle parvint à s'extraire de la nasse dans laquelle on l'avait piégée, elle s'enfuit presque en courant jusqu'à la porte latérale la plus proche, secondée par sa garde qui chassait fermement les importuns.

Alors seulement, le général parvint à l'approcher. Il fonça vers elle comme un lion en furie, un félin à l'attaque, ne s'arrêta que lorsqu'il lui fit face, les yeux dans les yeux, si proche qu'elle sentait son souffle qui ricochait contre son visage.

— Tu vas les perdre, murmura-t-il.

Elle poussa un long soupir las, fatiguée.

— Je sais mais que veux-tu que...

— Cassandra, coupa-t-il, tranchant. Tu vas les perdre tout de suite. Ils sont en train de partir.

Me retirer chez moi pour réfléchir. Elle se figea, un long frisson de terreur descendit le long de sa colonne vertébrale lorsqu'elle croisa le regard froid, analytique, du commandant de l'armée. Si elle avait bien appris quelque chose en ces quelques lunes, c'était qu'elle ne pouvait sous-estimer l'instinct de prédateur qu'il avait.

La lumière se fit.

— Ils... Il les ramène à Boval ?

— Ils ont fait leurs bagages dans la nuit. Ce conflit ouvert n'est qu'une excuse. Et tu lui as permis...

Par tous les esprits de la forêt !

— Avec moi ! appela-t-elle sa garde en s'engageant au pas de course dans les corridors.

Elle les retrouva dans la grande cour, parés au départ, les portes donnant sur la ville grandes ouvertes pour les laisser passer. Et, brusquement, en voyant les troupes assemblées de la maisonnée de Boval, leurs étendards, les caisses remplies à l'arrière des charrettes et des calèches, les allures faussement détendues des soldats, elle réalisa ce qu'elle risquait en les laissant partir. Soudain frénétique, elle releva les pans de sa longue robe, dévala les marches aussi vite que son allure impériale pouvait le lui permettre, puis se dirigea vers le duc.

— Zaël Sen ? l'interpella-t-elle.

— Altesse, je pense que j'ai dit ce que j'avais à te dire. Tu m'as donné la permission de partir.

— Je sais. C'est à Weiran que je souhaiterais parler.

— Je ne...

— Père, je ne nous retarderai pas.

Il sauta à bas de sa selle, tendit les rênes à l'intendant qui le secondait, et s'approcha des marches. Cassandra le détailla de haut en bas, trop consciente de la menace qui pesait. Il était grand, assez élancé, même si on devinait les rondeurs d'une alimentation facile à obtenir. Elle se rappelait des hommes qu'elle avait côtoyés à Wikandil, minces et fermes lorsqu'ils parvenaient à se nourrir sans trop de mal, maigres et osseux lorsque les hivers se faisaient rudes. Weiran n'avait aucune idée de ce qu'était la difficulté. Il vivait dans un univers où sa pire déception était certainement le fait de ne pas avoir réussi à séduire l'Impératrice conformément aux exigences de son père. Pourtant, il semblait gentil, profondément bon. Et elle l'avait manipulé sans le moindre réel remords.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 02, 2023 ⏰

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