L'Usurpatrice (5)

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Dans tout ce chaos mondain, la danse qu'elle réussit à obtenir avec le Général Esirath passa presque totalement inaperçue. Certes les yeux étaient constamment posés sur eux, c'était une chose à laquelle Cassandra avait dû s'habituer rapidement en devenant l'épouse de Raven, mais les esprits étaient pour une fois ailleurs. Aussi, quand elle se laissa emporter par le pas souple et maîtrisé de l'ancien officier de sa mère, Cassandra put se permettre un bref sourire.

— C'était une belle performance, Aveltia, reconnut Esirath en la regardant droit dans les yeux.

Selon la plus pure tradition wiccane, il la fit pirouetter dans un large cercle autour de l'endroit où ils évoluaient, et les autres danseurs s'écartèrent lorsque sa longue robe tourbillonna sur son passage. Lorsqu'elle revint dans ses bras, elle se fendit d'un remerciement plutôt sincère, mais sur lequel elle ne s'attarda guère, profitant de l'espace silencieux qui s'était dégagé autour d'eux d'un seul coup.

— Merci. Mais au sujet de ta proposition, Esirath Sen...

Il haussa un sourcil, et elle prit une brève inspiration tendue. C'était le moment où elle trouvait un moyen de lui faire comprendre qu'elle ne serait pas sa marionnette pour autant, au combien il veuille lui faire croire que ce n'était pas non plus ce qu'il voulait d'elle.

— Il y aura certaines conditions.

Il n'eut même pas la décence de paraître surpris.

— Je t'écoute.

— Conditions que je t'exposerai ce soir.

Cette fois-ci, elle eut la satisfaction d'arracher une mince grimace à son visage impassible. Elle lui offrit un sourire éclatant, un léger rire, comme si elle venait de faire une curieuse plaisanterie.

— Ce n'est pas le lieu. J'enverrai Mayeri te chercher.

L'expression du général s'assombrit encore davantage, mais il finit par incliner la tête et se fendre d'un rictus.

— Laëtitia semble t'avoir donné de solides bases.

— Elle a fait de son mieux. Que donnent les rumeurs ?

Esirath profita d'un crescendo de la mélodie pour se donner le temps de réfléchir. Il lui donna d'un changement de pieds l'impulsion d'une volte-face. Elle voltigea au rythme complexe des cinq temps de l'assarienne, croisa deux fois ses bras, oscilla et pirouetta entre ses bras adroits, suscitant des murmures d'admiration dans l'assemblée, et un sourire lui échappa. Elle qui n'était même pas une native d'Avalaën avait l'habitude des pas alambiqués, même si c'était une autre forme de danse qu'elle avait apprise, petite. Sa mère avait insisté pour qu'elle soit versée dans l'art de l'épée, dans la danse des dagues, et si Cassandra n'avait jamais été incroyablement douée dans le combat, elle estimait qu'elle ne s'en sortait pas trop mal aujourd'hui. Aussi, apprendre des petits pas, des pirouettes et des mouvements de bras ne lui avait jamais paru compliqué quand elle était arrivée.

Il répondit lorsqu'elle revint dans ses bras, portée par la fin de la volte complexe qu'ils avaient effectuée ensemble. Sa voix était basse, grave et mesurée.

— La soudaine disparition d'Arîn a soulevé quelques questions dans les bas quartiers le premier matin, mais guère plus. Avec ces nouvelles... informations, il y a déjà un nouvel intérêt pour l'événement.

— Quelques indices traîneront certainement dans sa chambre, non ?

— Elle la partage avec d'autres servantes.

— Mais peut-être un mouchoir sous l'oreiller...

Elle devait pouvoir retrouver cela dans les affaires de Raven, qui n'avaient pas encore été vidées.

Dynasties / CassandraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant