La porte était rabattue alors, il put la pousser sans problème. La noirceur du lieu l'accueillit à l'entrée : il ne distinguait rien. Précautionneusement il entra dans l'appartement, en attendant que ses yeux s'habituent à la faible lueur venant de l'intérieur. Plus il s'approchait, mieux il percevait les choses. Il arriva dans un salon assez étroit et vit une malheureuse silhouette couchée sur le sol. La flamme allumée sur la bougie déposée sur la table à ses côtés vacilla. Il s'approcha de la jeune femme couchée dont le visage se trouvait à l'opposé et se mit à trembler. Ses pieds et ses mains étaient ligotés, et un simple tissu recouvrait son corps de ses hanches jusqu'aux jambes. Cet homme peinait à dire le seul nom qui pouvait lui donner une certitude ; Imeka. Il avait peur, mais il se résolut à le faire.
- Imeka ?
Il espérait tant se tromper... mais la jeune femme se mit à se débattre et à pousser des cris étouffés. Samory la retourna ; c'était effectivement elle, en larmes et effrayée.
Il observa rapidement les environs et repéra un couteau sur la table à proximité. Le saisissant d'un bond, il entreprit de couper les jointures sur les bras de sa fille, mais avant cela, il la libéra du bâillon dans sa bouche pour qu'elle puisse parler. L'émotion lui donnait des maux de tête et des larmes s'échappaient sans qu'il ne le veuille de ses yeux. Qu'est-ce qu'il avait pu faire de mal pour que sa fille se retrouve dans une telle situation ? Soudain, leurs regards se croisèrent. Samory y lut de la tristesse, de la souffrance, de la honte et de la colère qu'elle ne pouvait alors extérioriser que par ses larmes. Se sachant soudain fébrile par cette vision, le père cessa de l'observer et prenant la décision radicale de se dépêcher afin de s'en aller au plus vite.
- Bonsoir, papa, salua conventionnellement une voix d'homme.
Surpris, Samory se retourna immédiatement et par instinct, ouvrit les bras, espérant créer une sorte de rempart protégeant sa fille. Cette dernière gémissait plaintivement derrière lui.
- Tu as apprécié mon aide, l'autre fois ?
Il appuya sur l'interrupteur et une forte lumière blanche éclaira le petit appartement.
- Tu me vois mieux, maintenant ?
C'était effectivement lui, ce jeune homme qui avait accompagné Issuf il y avait quelques mois, ce jeune homme dont sa fille s'était plainte, qui se retrouvait devant lui. Samory serrait les poings de colère.
- Pourquoi as-tu fait du mal à ma fille ? hurla-t-il.
- Tu te calmes, le vieux, hurla-t-il à ton égal et il s'accroupit devant lui. Je lui ai fait l'équivalent de ce que tu as osé infliger à ma mère, sale connard. Tu penses que je ne sais pas ? Tu crois réellement que j'ignore le mal que tu nous as fait ? Je ne suis pas resté un gamin, tu sais.
Il jeta son poing dans la mâchoire du soixantenaire qui tomba sur le carrelage blanc.
- J'ai déjà eu ce que je voulais tonton. Regarde là. J'ai déjà fini, j'ai accompli ce que je devais accomplir. J'ai pu profiter de ce qu'elle peut apporter à mes entreprises. Mais c'est pas pareil que ce que tu as fait. Rappelle-toi de maman, de Giallia, le vieux.
À l'évocation de ce nom, Samory se raidit sur place. Sa fille se traîna vers lui et essaya de s'enquérir de son état en coulant de nombreuses larmes. Son père observa ce jeune homme avec un regard plein de méfiance et d'une crainte qu'il voulait dissimuler, puis il se releva, servant toujours de protection à la jeune femme qui essayait de se lever avec peine. Elle noua le drap vert qui avait jusque-là protégé sa nudité, et découvrit horreur la grande tache de sang qui maculait le tissu. Mais elle chancela sur ses pieds et retomba sur le sol. De grandes douleurs lui déchiraient les entrailles. Ses parties génitales, le bas de son ventre et de son dos ainsi que ses muscles la faisaient souffrir. Imeka ne comprenait pas ce dont parlait cet ignoble personnage ni en quoi cela pouvait justifier l'acte qu'il avait eu à son égard.
- Écoute, Tamsir, je peux tout t'expliquer...
- Non ! le coupa vivement Tamanac – ou Tamsir, je ne suis plus Tamsir ! Je suis Tabanac, le grand Tabanac ! Ne m'appelle plus jamais comme ça.
Samory observa sa fille et porta sa main à sa bouche. Elle avait plein de bleus, d'énormes enflures et quelques blessures et éraflures sur tout son corps. Il l'avait tabassée, avant de... Son regard s'attarda sur l'immense tache de sang sur le drap et sur le tapis du sol. Samory ne put retenir ses larmes, et son regard humide croisa celui de sa fille. Il murmura : « je suis désolé, ma chérie... » et s'empara de l'arme blanche qu'il avait laissée près de la jeune femme.
Il se rua alors sur le jeune homme qui le maîtrisa en un tour de main.
- Arrête papa, il va te faire du mal ! Arrête de te battre avec lui ! hurla la pauvre victime sur le sol, qui peinait à rassembler des forces pour se relever.
Samory ne se laissa pas faire pour autant. Il prit de l'avantage sur le garçon et se mit à le marteler de coups, mais Tabanac n'attendit pas de se faire détruire le visage. Il poussa violemment le père de sa victime sur le petit guéridon devant le salon, guéridon en verre qui se cassa à la suite du choc. Il s'avança alors précautionneusement de l'homme tout retourné, qui tenta de se relever et qui se jeta à nouveau sur lui. Ils se retrouvèrent sur un canapé et Tabanac prit l'avantage. Il extirpa de sa poche un petit couteau, minuscule, mais tranchant dont une lueur brève parcourut la lame.
- Tu vas me tuer, après ce que tu as fait à ma fille ?
- Ne parle pas trop le vieux, sinon elle va aussi y passer.
- Je te défends de la toucher encore une fois !
Il essaya de se débattre de l'emprise du jeune homme. Imeka, qui entretemps avait réussi à se lever, avançait lentement avec douleur vers le criminel. Ce dernier s'attendit à recevoir un vase sur la tête et la poussa violemment avant même qu'elle ne puisse tenter quoique ce soit. Le vase dans sa main se brisa sur le sol et sa tête percuta violemment le pied d'un canapé. Imeka perdit connaissance, étendue sur les carreaux blancs.
- Ma mère s'est faite agressée devant moi, et tu en es responsable ! Toi, comme tous les autres ! Vous allez payer – et vous payez déjà, pour vos crimes. Tu me comprends ?!
- Ce n'est pas moi qui...
- Stop ! arrête de parler, l'interrompit à nouveau Tabanac.
- Entends raison, Tamsir, je ne suis pas...
Avec une force étonnante, Tabanac leva son arme et l'abattit dans l'abdomen de Samory. Son coup fut si rapide que la victime n'eût même pas le temps d'espérer l'arrêter. Imeka hurla bien plus fort que ses cris précédents et le temps, spectateur, sembla s'arrêter pour mieux considérer l'horreur en cette nuit du vingt-cinq octobre. Samory, encore conscient, examina de plus près son meurtrier. Ses yeux dans les siens, il le maudit, d'une simple phrase murmurée dans laquelle il concentra toute sa dernière énergie. Il leva lentement sa main qu'il posa sur celle de Tamsir, qui tenait le couteau enfoncé dans ses entrailles.
Et le meurtrier répéta son coup.
Une fois, deux fois, cinq fois, sept fois, avec une véhémence folle.
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Ceux qui font plus de bruits que les vagues
General FictionDans un quartier marqué par la pauvreté, Enedia lutte pour surmonter les défis qui entravent son chemin. Issue d'une famille démunie, elle voit sa vie basculer lorsque sa sœur Imeka est kidnappée par un mystérieux homme aux intentions sombres. Alors...