15 : Pauvre petit Rakim

4 0 0
                                    

Yelenn était, du groupe, la leader. Sans un réel effort, elle dirigeait ses filles et semblait être un modèle de réussite pour elles. Yelenn avait un bel appartement situé en plein cœur de la jungle Yatuoise et un magasin de vêtements pour femmes, de lingerie et offrait des soins esthétiques et une offre onéreuse de make-up professionnel. Elle avait ainsi les moyens de payer ses études, de gérer sa famille et de se faire plaisir. Yelenn serait un très parfait exemple si elle avait acquis tout ce pouvoir par son travail et son abnégation. Du moins, sauf si l'on pense que ses actions étaient du travail. Un homme riche et marié était à l'origine de cette aisance : un homme qui avait créé sa boutique, s'occupait des frais d'appartement, lui envoyait de l'argent. Ils étaient en couple, est-ce qu'ils s'aimaient ou vivaient aux dépens d'une relation d'intérêt ? Enedia n'en savait rien mais choisit pour la deuxième option.

Malgré tout, Yelenn était une jeune fille particulièrement gentille, alors Enedia eût du mal à refuser sa proposition lorsqu'elle l'invita chez elle après les cours. Elle voulait, comme dit, passer juste quelques minutes avec elle. Yelenn lui témoignait beaucoup d'affection et d'attention... sans qu'elle comprenne vraiment pourquoi. Maïmouna insista cependant parce qu'elle voulait influencer Enedia... à la suivre dans son nouveau mode de vie en lui montrant la réussite de son « gourou ».

L'appartement se trouvait entre le quartier résidentiel de Cadria, prolongé derrière la piscine municipale, et une rue commerciale regorgeant de nombreuses sociétés concurrentes d'hypermarché, de boutiques de vêtements haut de gamme, de magasins de décoration avec un design lorgnant la classe pauvre de ses prix exorbitants. La grande artère qui joignait tous ces quartiers à l'autoroute passait juste sous ses fenêtres et son balcon ; le vrombissement des voitures et les klaxons polluaient sonorement son espace de vie, les fumées de pot d'échappement montaient sans cesse à sa maison, la poussière salissait ses vitres. Cependant, ces nuisances restaient derrière la baie vitrée. Le salon climatisé et enjolivé de couleurs vertes, jaunes et blanches, de plantes superficielles disséminées dans l'habitat transmettait la paix de l'esprit et une sensation de légèreté. La lumière du jour se diffusait sans peine dans la pièce et brocardait les malheureux rideaux attachés aux extrémités des fenêtres. Au centre, un guéridon en verre décoré de pétales de fleurs rouges abritait des livres de cuisine et de beauté. Devant, une grande télévision HD en veille et juste sous le meuble qui le soutenait, une chaîne Hi-fi qui passait de la musique.

À côté de la cuisine qui se distançait d'à peine un mètre de la porte d'entrée, une table à manger pour quatre personnes supportait un désordre surprenant. Des livres, des trousses à maquillage, des accessoires de beauté, un miroir et un panier de fruits s'éparpillaient sur la nappe grise. Il s'y décelait même une litière de chat vide et un paquet de chips patate made in Ivory Coast.

Pour Enedia, tout ça, c'était du grand luxe. En s'asseyant sur le canapé, elle craignait même de faire tache dans cet environnement qu'elle aurait voulu sien. Yelenn partit chercher des canettes pour ses invités et revient avec les boissons fraîches qu'elles dégustèrent.

Elles bavardèrent un peu juste après, quand Yelenn reçut un appel et dû s'éloigner des filles. On l'entendait quand même depuis sa chambre crier en parlant son ethnie.

- Tu vois comment sa maison est belle ? demanda Maïmouna, songeuse.

- Oui, acquiesça Enedia. C'est vraiment super.

- Son gars, son chéri, il a l'argent ! il s'en sort bien même et il la met à l'aise. Il a plus d'argent que mon petit ami, faudra que je trouve un bon gars aussi.

Enedia avait un jour appris que le copain de Maïmouna était un homme marié. Elle fut touchée des paroles de son amie et eut un mouvement de recul.

- Tu sais que tu peux simplement travailler pour avoir tout ça ?

Ceux qui font plus de bruits que les vaguesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant