Chapitre trois.

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29 mai 2023

— Léo, pose cette clope et bouge ton cul.

— C'est l'heure de ma pause, va t'faire.

Assis sur une rambarde en bois, face à la mer, ledit Léo leva son majeur en l'air en direction de son collègue, sans même prendre la peine de le regarder. Ses yeux, de la même couleur que l'eau face à lui, se fixèrent sur les vagues alors qu'il tirait une taffe de sa cigarette et expirait lentement la fumée. Il n'avait pas l'intention d'écourter sa pause. Il avait déjà été assez gentil pour commencer plus tôt ce matin, à la dernière minute, il n'était pas non plus une bonne poire. C'était hors de question qu'il donne la main et qu'on lui arrache le bras avec. Léo entendit son collègue marmonner une flopée d'insultes en espagnol mais tourner les talons pour retourner dans le bar. Il eut un sourire satisfait. Il avait toujours gain de cause, très souvent parce qu'il était dans son bon droit, parfois simplement parce qu'il était borné. Très borné, peut-être trop selon son meilleur ami. Mais il ne comptait pas changer son caractère pour les autres.

Léo était toujours parti du principe qu'on le prenait entièrement, ou pas du tout. Il avait horreur des gens voulant changer les autres. Qu'on lui dise de se calmer quand il s'énervait, oui. Qu'on lui dise de ne plus jamais s'énerver, non. Toute sa vie, il était tombé sur des personnes qui lui reprochaient qui il était. Trop indépendant, trop franc, trop borné, trop impulsif, trop, trop, trop...

Allez-vous faire foutre ! pensa le jeune homme. Aujourd'hui, il vivait pour lui. Il n'avait de comptes à rendre à personne et c'était bien mieux ainsi. Parfois, il regrettait la tournure qu'avait pris sa vie, car cela incluait également le drame le plus douloureux qu'il ait eu à affronter... Malheureusement, personne ne pouvait changer le passé, même pas lui. Passant une main dans ses cheveux bouclés, il laissa échapper un soupir. Il adorait parcourir le monde, ne pas avoir d'attaches et vivre au jour le jour mais parfois, la solitude était plus lourde à porter. Il y avait bien Gabe, son meilleur ami, qu'il appelait fréquemment et à qui il envoyait des mails et des comptes-rendus de ses différentes escapades... C'était sûrement le seul vrai lien qu'il avait gardé de son ancienne vie. Tout le reste, il l'avait bazardé. Comme si se couper de tout pouvait empêcher ses souvenirs de trop le tourmenter.

Mais ça ne marchait pas toujours. Comme à cet instant. Sa mémoire était en train de l'attaquer, violemment et cela mettait ses nerfs à rude épreuve. Il se sentait agacé, contracté. Il était comme un ballon de baudruche trop gonflé, prêt à exploser au moindre effleurement. Sauf que contrairement au ballon qui faisait juste un gros boum, quand Léo explosait, c'était dévastateur. Pour lui et pour les autres. Son portable vibrant dans sa poche le sortit de ses pensées. Il le sortit pour lire le SMS qu'il venait de recevoir.

Panpan et moi, on est sérieux dans les révisions.

En pièce jointe, un selfie de Gaby et son lapin, allongé sur un lit, des tas de fiches de révision devant eux. Léo sentit son agacement disparaître et un sourire se dessina sur son visage. Cela faisait maintenant deux semaines, depuis qu'il s'était planté en envoyant son mail, qu'il discutait quotidiennement avec Gaby. Ils avaient pris l'habitude de s'écrire tous les jours et de s'envoyer des photos de leur journée, de partager leur quotidien. Léo se tourna pour que la mer soit derrière lui et se prit à son tour en photo avant de l'envoyer à son nouvel ami.

Moi, pause clope devant la mer. 😉

En seulement quelques jours, Gaby avait pris une place considérable dans sa vie. Léo ne se l'expliquait pas mais quelque chose chez le jeune homme le touchait. Il avait cette candeur, cette innocence qui étaient rafraîchissantes et surtout, profondément attachantes. Gaby était la gentillesse incarnée et il était évident que beaucoup en avait profité, Léo le voyait rien qu'à la façon que son ami avait de se percevoir. Gaby était très différent des gens que Léo côtoyait normalement et pourtant, le feeling était de suite passé. Ils ne se lassaient jamais de s'envoyer des messages et se manquaient même quand ils restaient plusieurs heures sans se parler. Son portable vibra de nouveau.

À nos cœurs abandonnés [BxB] [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant