À nos cœurs abandonnés [BxB] [TERMINÉE]

Chapitre dix.

10 juillet 2023

Léo était étendu sur son lit, fixant le plafond. Il s'était réveillé quelques minutes avant et était encore en train d'émerger doucement du sommeil. Il ne travaillait pas aujourd'hui, c'était son jour de repos et cela l'agaçait d'avoir les yeux grands ouverts de si bonne heure... Il était pourtant un habitué des grasses matinées mais aujourd'hui n'était de toute façon pas une bonne journée. Il le savait, il le sentait. Prenant son téléphone, il jeta un œil à la date et soupira. C'était impressionnant de voir à quel point, inconsciemment, son cerveau lui rappelait physiquement les choses. Léo n'avait pas fait attention au jour et pourtant, il s'était senti mal dès le réveil. Maintenant, il comprenait pourquoi.

Huit ans auparavant, jour pour jour, l'hôpital de Montpellier, sa ville natale, avait annoncé le décès de son père. Léo détestait cette journée. A plus grande échelle, à cet instant, il détestait même la vie. Il ne voulait pas repenser à tout ça mais c'était hors de son contrôle. Les souvenirs tournaient en boucle dans son esprit, il revivait la scène, encore et encore, inlassablement. A l'époque, il avait à peine dix-huit ans. Il était tout juste majeur et le jeune homme qu'il était, qui espérait rendre son père fier de lui, avait vu sa vie s'écrouler. Il entendait encore les mots du médecin, il revoyait sa mère s'effondrer à genoux sur le sol, incapable de tenir debout à cause du poids des larmes et de la douleur.

Lui n'avait pas pleuré. Il n'avait pas pu, jamais. Sa douleur était anesthésiée par sa colère puisque tout ça aurait pu être évité si l'hôpital n'avait pas commis une satanée erreur médicale. Le médecin s'était confondu en excuses, répétant encore et encore que c'était un « simple » faux pas, qu'ils n'auraient jamais pensé que cela puisse avoir de telles conséquences... Léo n'en avait rien à foutre, des excuses. Ce n'est pas ça qui ramènerait son père. Et encore moins sa mère. Sa vie entière avait été fracassé pour une étourderie.

Quand il y pensait, il avait envie de tout casser. De hurler, à s'en briser les cordes vocales, de taper dans les murs, de tuer tous ceux qui étaient à l'origine de cette erreur. Mais il n'en faisait rien. Il se contentait de ravaler sa haine, sa douleur et de fuir. Il faisait ça depuis huit ans... Fuir. Echapper à ses souvenirs, ses démons. Parce que s'il ne le faisait pas, s'il laissait cette douleur le rattraper, Léo n'était pas certain de réussir à encore tenir debout. Voyager à travers le monde, constamment changer d'endroit, cela l'aidait à tout repousser. Comme si le fait de ne jamais se poser tenait ses cauchemars à distance.

Depuis qu'il était à Plouzané, cependant, il avait remarqué qu'il se sentait plus serein. Comme si tout ce qu'il essayait de fuir avait compris qu'ici, il était plus fort. Léo ne se l'expliquait pas, il n'avait encore jamais eu ce cas de figure. Il ne s'était jamais senti si bien quelque part. A Plouzané, il avait la sensation d'être chez lui, réellement. Comme s'il avait trouvé de quoi combler le gouffre en lui... Son cœur abandonné depuis si longtemps avait enfin aperçu un refuge. Léo reprit son téléphone, composant rapidement un numéro.

— Allô ?

Entendre la petite voix de Gaby le fit sourire, immédiatement. Aussitôt, le mal-être qu'il ressentait depuis son réveil s'apaisa un peu.

— Salut mon chat. Dis-moi, tu bosses pas ?

— Si, mais je viens juste d'arriver, je suis en train de me changer.

— Oh, tu es donc à moitié nu actuellement ?

Léo avait pris une intonation charmeuse. Il entendit le petit rire gêné de Gaby.

— Je change juste de tee-shirt.

— Et je rate ce délicieux spectacle.

Il n'avait pas besoin de le voir pour savoir que Gaby devait être écarlate au bout du fil. Il adorait le taquiner, c'était plus fort que lui. Et puis, Léo avait toujours été un séducteur, il n'allait pas changer son caractère – il se contenait juste parfois pour ne pas mettre Gaby mal à l'aise. Le but n'était pas de braquer son petit-ami.