Chapitre vingt-six.

289 38 47
                                    


04 septembre 2023

82 heures. 4 920 minutes. 295 200 secondes. Tant de temps qu'il était au chevet de Gabe et que ce dernier gardait les yeux fermés. Léo avait la sensation de perdre doucement mais sûrement le peu de raison qu'il lui restait. Il ne voulait pas s'éloigner, pas un seul instant. Il avait peur qu'à la seconde où il quitterait cette chambre, Gabe n'abandonne. Alors il restait là, assis à côté de son lit d'hôpital, à lui tenir la main. Comme pour lui donner la force nécessaire pour revenir jusqu'à lui, jusqu'au monde réel. Ils avaient trop traversé, trop vécu ensemble pour que Gabe s'en aille maintenant. Léo se frotta les yeux. Il n'avait que peu dormi, ces derniers jours.

— Tu fais exprès de pas te réveiller tant que j'aurais pas fait ce truc débile des gens qui parlent à leurs proches dans le coma ?

Léo étouffa un bâillement et fit craquer sa nuque.

— J'le ferai pas. Donc arrêtes tes conneries et réveille toi.

Silence. Long silence. Et Léo soupira.

— D'accord très bien.

Le jeune homme se passa une main dans les cheveux et grimaça. Ils étaient gras. Il faut dire qu'il n'avait réellement pas bougé depuis qu'il était arrivé ici. Françoise lui avait apporté de quoi se nourrir – il y avait à peine touché. L'hypothèse de peut-être perdre Gabe le paralysait. Il ne pouvait pas fonctionner normalement sans son meilleur ami.

— Sérieux Gabe. Tu veux que j'te dise quoi, moi ? Si je me confie et que tu m'entends, tu vas te foutre de ma gueule en te réveillant. Tu me diras... P't'être que l'idée de pouvoir te moquer de moi va te motiver à ouvrir les yeux.

Léo esquissa un faible sourire. Il avait toujours trouvé cela stupide de parler aux personnes inconscientes... Il ne s'expliquait pas pourquoi. Pourtant, il aurait voulu adhérer à cela, y croire, se persuader que ça pourrait vraiment changer quelque chose. Mais il n'y arrivait pas.

— Vraiment... Je peux pas vivre sans toi, en fait. Franchement Gabe, regarde, ça fait trois jours que t'es plus totalement là et je mange pas, je dors à peine et mes cheveux pourraient fournir de l'huile pour faire cuire des frites.

Il plissa le nez, pouvant presque entendre le léger rire moqueur de Gabe dans son esprit. Il le connaissait par cœur, ce rire. C'était un léger soufflement, Gabe gonflant les joues et se pinçant la langue pour ne pas le laisser s'échapper. Il faisait ça à chaque fois qu'il voulait se moquer de Léo mais qu'il essayait d'être discret. D'ordinaire, ça exaspérait Léo mais à cet instant, il aurait tout donné pour que son meilleur ami ouvre les yeux et fasse ce rire si agaçant. Mais Gabe restait immobile, inconscient.

— On se connaît depuis toujours, merde ! Tu peux pas me lâcher au bout de seulement vingt-cinq ans, c'est... C'est trop court, putain. On a encore trop de choses à expérimenter. J'veux que tu me présentes la femme de ta vie quand tu l'auras rencontré. Et que tes gosses m'appellent « tonton Léo » et te disant que j'suis bien plus cool que toi parce que moi, j'les laisse manger des sucreries devant la télé.

Léo serra un peu plus la main de Gabe dans la sienne, observant le tatouage sur le poignet de son meilleur ami. Un simple mot : Granola. Et Léo, lui, avait Pépito noté au même endroit. Ils se l'étaient fait ensemble, à vingt ans, lors d'une soirée un peu trop arrosée. A cette époque, Léo avait déjà commencé ses voyages mais étaient revenus en France pour les vingt ans de Gabe. Et l'idée saugrenue de se faire tatouer les surnoms débiles qu'ils se donnaient depuis leur adolescence avait surgit. Curieusement, ils n'avaient jamais regretté. C'était une connerie, mais leur connerie.

À nos cœurs abandonnés [BxB] [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant