La femme d'un autre // Max Verstappen

4. une torture - février 2024

C'est parti pour les choses sérieuses. Les écuries de Formule 1 se sont données rendez-vous dans le désert de Sakhir pour les essais de pré-saison. Le circuit est envahi par les cohortes de mécaniciens, de pneumatiques, de pièces détachées, de pilotes et de journalistes. La tension est palpable. À la fin du week-end, tout le monde sera fixé. Il y aura les équipes du haut et celles du bas. Pas de deuxième chance pour ceux qui se sont plantés. Les erreurs coûtent cher. C'est d'autant plus vrai dans le sport mécanique. Les membres de l'équipe Red Bull ne se font pas vraiment de soucis. Ils sortent de trois saisons merveilleuses et ont oublié ce que ça veut dire de se battre ne serait-ce que pour marquer un tout petit point. Les hommes et femmes aux polos bleus marines se pavanent en parlant fort. Ils se comportent comme s'ils étaient les maîtres du monde. À une époque, c'est Mercedes qui était au sommet, mais les choses changent vite.

Max débarque dans le paddock avec le sentiment d'être l'homme à abattre. Tous les autres pilotes l'envient. Il se nourrit de cette jalousie. Il traverse l'allée de motor-home en bombant le torse et en affichant un grand sourire. Le Néerlandais croise ses amis, Lando Norris et Daniel Ricciardo, qui pilotent cette année pour McLaren et AlphaTauri. Il lève sa main pour les saluer:

- Alors? Vous avez déjà vu les voitures?

- On allait y aller! Tu viens avec nous?

Max rejoint Lando et Daniel. Les trois pilotes sont comme des gamins. On pourrait comparer cette journée à une rentrée des classes. Tout le monde est impatient et excité. Les espoirs les plus fous sont permis. Au mois de février, ils peuvent encore tous prétendre au titre. Puis, une fois la première course passée, les choses se compliquent. Mais n'y pensons pas. Pas encore. Laissons à Max, Lando et Daniel le temps de se réjouir. Les trois amis rejoignent le parc fermé où d'autres pilotes sont déjà arrivés. Toutes les monoplaces sont alignées devant les stands. Les Red Bull, Ferrari et Mercedes attirent toute l'attention. On compare les designs, les pontons, les ailerons et les livrées. On se charrie aussi en remarquant un détail ou l'autre. On passe ensuite aux voitures les moins bien cotées: les Haas, les AlphaTauri et les Williams. Daniel en prend pour son grade. Lando le taquine:

- Pas mal pour un tracteur!

- Ce tracteur, c'est l'assurance de piloter une Red Bull l'année prochaine!

Daniel en a bavé ces dernières années. McLaren s'est débarrassé de lui alors qu'il lui restait encore une année de contrat. Il a eu de la chance que Red Bull l'accueille à bras ouverts. Sans Christian et Helmut, il serait sûrement à la retraite. Le jeune homme se dit que piloter une AlphaTauri pendant une année, c'est le prix à payer pour retrouver l'avant du peloton. Il y croit dur comme fer, d'autant plus que Nea ne tiendra certainement pas la distance. Avec un peu de chance, on lui demandera de remplacer la Finlandaise avant même la fin de la saison.

Appuyés contre le muret des stands, Max, Daniel et Lando sont rejoints par Charles Leclerc et Alex Albon, d'autres pilotes devenus amis. On se sert la main avant de se charrier à coup de piques plus ou moins senties. La bonne humeur est générale. Même les concurrents que Max aime le moins, comme Esteban Ocon et George Russell, ont le droit à un sourire. En revanche, le Néerlandais ignore froidement sa coéquipière.

Nea s'est mise à l'écart. Elle scrute sa monoplace avec attention, comme si elle voulait connaître chacune de ses courbes. Ses yeux bleus sont plissés, ses sourcils froncés. Son visage ne trahit aucune émotion, mais une concentration extrême. Elle semble froide et même arrogante. Ses cheveux blonds sont noués sur le sommet de sa tête par un ruban bleu clair, seul signe de sa féminité, et retombent sur son dos. Tous ses mouvements sont lents et contrôlés. Ses pieds traînent sur le sol quand elle se déplace. Plus petite que la plupart de ses futurs concurrents, la Finlandaise se fond dans la foule éparse.